sainte du baptême, le Jourdain, Solime, Césarée, Jérusalem et le Calvaire, motifs et paysages variés que l’auteur exploite avec une abondance dont la stérilité vous afflige. Tragédie et poésie de cabinet, d’où l’âme est absente! Rien de cela n’est ressenti, tout est voulu. Ce nom de Césarée que je viens de prononcer ne cesse de frapper le vide et finit par vous donner des distractions, involontairement vous songez à Bérénice, où Racine l’a mis une fois à la rime et comme pour éclairer trois vers qui sont divins :
Dans l’Orient désert quel devint mon ennui!
Je demeurai longtemps errant dans Césarée,
Lieux charmans où mon cœur vous avait adorée.
Personne à la scène n’a plus trafiqué du christianisme que Voltaire, ses
tragédies de Zaïre, d’Alzire, de Tancrède, ne nous chantent que la gloire
de ce Dieu que sa prose se fait un devoir d’écraser ; mais combien à la
longue ces déclamations creuses vous fatiguent, quelle pitié que cette
émotion de commande entre deux ricanemens, et qu’en sortant de là
vous avez de plaisir à vous réciter quatre vers substantiels et convaincus de Polyeucte! Voltaire se vante d’avoir écrit Zaïre en vingt-deux
jours, et le tour de force n’a point de quoi tant nous étonner. L’improvisation ne se trahit que trop dans cette pièce construite avec des élémens étrangers les uns aux autres et qui jurent affreusement de se
trouver ainsi rapprochés. Cette dramaturgie classico-anecdotique forme
un des plus curieux amalgames qui se puissent imaginer. Prendre à
Shakspeare son personnage, à Racine ses trois unités, ses confidens, et
rimer ensuite une fable du romanesque le plus naïf, il semble en vérité
que cette besogne ne doive pas nécessiter de longs efforts. D’ailleurs le
style de Zaïre est comme le sonnet d’Oronte, il porte partout la trace
d’une fabrication hâtive et servirait admirablement à démontrer cet
aphorisme, que le temps n’épargne pas ce qu’on a fait sans lui. Voltaire
a pu écrire de beaux vers dans sa vie, — Tancrède, venu vingt-cinq ans
plus tard, en fourmille, — mais, pour Zaïre, force est de n’y chercher
que des proverbes ou des récitatifs d’opéra.
Le voilà donc connu, ce secret plein d’horreur, etc.
C’est du commencement à la fin un style flasque, redondant, et d’une incorrection décourageante pour les gens du métier, qui vont une fois de plus se demander avec mélancolie ce que c’est que la gloire du poète, puisqu’elle s’obtient à ce prix. Je me plais à signaler aux curieux ce dialogue banal, oiseux, où le confident ne parle qu’en s’étudiant à préparer le mot ou la sentence que le personnage héroïque a besoin de placer, et je recommande principalement à leur intérêt ces longues suites d’alexandrins se dévidant comme des chapelets et tous uniformément