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REVUE. — CHRONIQUE.

et du patriotisme, on peut la poursuivre de bien des manières, même par ces solennités universitaires, par ces distributions de prix, où se rassemble chaque année l’aimable et ardente population de tous les lycées de la France. On aurait beau faire, on ne peut se retrouver en présence de cette jeunesse aux promptes illusions, aux longues espérances, sans lui parler des malheurs qui ont éprouvé le pays, dont elle voit partout la cruelle trace, et de l’avenir, dont elle est le gage, dont elle peut être le généreux instrument. C’est elle qui est chargée de réparer nos désastres, et elle ne les réparera que par le travail, par l’abnégation et le dévoûment, par la fierté virile du cœur, en s’accoutumant à mettre toujours l’idée de la patrie au-dessus des égoïstes et vulgaires inspirations de parti. C’est le thème inévitable et poignant de tous ces discours qui ont été récemment prononcés à Paris ou en province par M. le duc d’Aumale, comme par M. le duc de Broglie, comme par le jeune préfet de police, M. Léon Renault, qui a fait entendre à Saint-Louis une brillante et chaleureuse parole. C’est une petite session universitaire qui en vaut une autre, où la politique ne peut paraître que par ce qu’elle a de plus élevé, de plus cordial, de plus accessible à un auditoire adolescent.

Le difficile est toujours de rester dans la mesure, de saisir le point délicat, presque insaisissable entre ce qui ne serait qu’une politique d’assemblée et la banalité d’une allocution de collège. M. le duc d’Aumale, on peut le dire, a saisi merveilleusement cette mesure et a donné le ton. Il a parlé simplement, familièrement, de l’accent d’un soldat et d’un homme au cœur libéral. Il ne s’est pas perdu dans les nuages, il a fièrement rappelé à ces jeunes gens de la Franche-Comté auxquels il s’adressait qu’ils devaient être les « citoyens d’un pays libre ; » il a fait vibrer ces grands mots : « honneur, patrie, liberté, travail et devoir ! » Avec ces mots-là, on ne risque pas de se tromper, on est toujours sûr d’émouvoir de jeunes âmes en leur montrant le droit chemin. Ce langage, il ne s’adresse pas seulement aux lycéens de Besançon, il s’adresse à tous ceux qui aiment leur pays, jeunes ou vieux ; plus d’une fois en ces derniers temps il aurait eu de l’à-propos dans le palais de Versailles. M. le duc d’Aumale a résumé en peu de mots toute une politique qui devrait rester pour longtemps le programme de tous les Français de bonne volonté. Esto vir ! disait à son tour M. le duc de Broglie au collège d’Évreux. Oui, sans doute, esto vir, soyez homme ! M, le duc de Broglie a eu raison de le dire, et il l’a dit avec son talent, avec une sérieuse et souple éloquence. Il ne faudrait pas cependant que cet appel à l’énergie individuelle, à la confiance de l’homme en lui-même prît une portée trop politique et allât aboutir à une sorte de glorification du gouvernement personnel. L’ancien président du conseil n’est-il pas allé un peu loin en conseillant aux jeunes gens d’Évreux de se défier des institutions et des principes, en leur rappelant, après Virgile, qu’il y a