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REVUE. — CHRONIQUE.

en équilibre, et, à dire vrai, elle est partie en laissant le déficit dans l’un et dans l’autre. Elle n’a réussi qu’à s’attirer une petite leçon de la Banque de France, et à offrir un exemple de plus de la facilité avec laquelle un parlement se dérobe par un vote anonyme à l’impopularité d’une charge nécessaire. Compléter le budget de 1874, c’était la première tâche de l’assemblée ; elle y a pourvu autant que possible en votant quelques-uns des impôts qui lui ont été présentés ; elle ne s’est arrêtée que devant une surtaxe nouvelle dont on proposait de grever les contributions indirectes. De là est née cette pensée, combattue par M. Magne, acceptée par l’assemblée, de négocier avec la Banque une réduction de 50 millions sur l’annuité de 200 millions affectée au remboursement des sommes mises à la disposition de l’état pendant la guerre. Ces 50 millions devaient dispenser de recourir à des impôts nouveaux.

Rien de mieux, si la Banque voulait se prêter à cet arrangement ; mais la Banque a refusé, et cette résolution, qui a pu sembler rigoureuse, n’était au fond que prévoyante pour plusieurs raisons essentielles. D’abord cette convention, à laquelle on proposait de toucher, est assurément une des plus sages, une des plus habiles combinaisons de M, Thiers ; elle a contribué à relever, à maintenir le crédit public. Se créer une facilité budgétaire par une réduction d’amortissement, ce n’était pas un péril immédiat sans doute ; c’était peut-être un mauvais exemple, uije première atteinte à l’inviolabilité d’un contrat dont le maintien est aussi utile à l’état lui-même qu’à la Banque. C’était acheter trop cher une ressource qui se réduisait en définitive à la suspension d’un engagement contracté. De plus il est d’un souverain intérêt que la Banque reste un établissement privé absolument libre, indépendant de l’état et capable au besoin de défendre son indépendance. C’est par ce caractère qu’elle a joué si puissamment, et, on peut le dire, si patriotiquement son rôle en 1870, qu’elle a pu mettre à la disposition de l’état jusqu’à 1 milliard 1/2, et concourir plus tard à la libération du territoire français. Que serait-il arrivé si, au milieu des crises que nous avons traversées, elle n’eût été de fait ou même d’apparence qu’une annexe, un instrument de l’état ? Elle aurait subi toutes les chances de la guerre, elle n’aurait pas échappé peut-être aux violences des vainqueurs ; son crédit aurait suivi le crédit de l’état lui-même. Ce qu’elle a été jusqu’ici, elle doit le rester, si l’on veut trouver en elle, dans des occasions heureusement toujours rares, un secours efficace. Elle a maintenu son indépendance, et elle a eu raison ; seulement, en faisant respecter un contrat qui est sa garantie, elle n’a pas refusé son concours sous une autre forme : elle a offert à l’état une somme de 80 millions, avec un intérêt de 1 pour 100 ; 40 millions restent disponibles pour subvenir à l’imprévu de 1874, 40 millions sont dès ce moment affectés au budget de