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par un arbre creux qui sert à la fois de tube d’introduction pour la nitrobenzine et d’agitateur. On commence par déposer dans le vase à réaction tout le fer et l’acide acétique avec une quantité de nitrobenzine égale à deux fois celle de l’acide ; il se produit alors une ébullition assez vive pendant laquelle a lieu la réaction. L’ébullition calmée, on fait arriver d’une manière continue un mince filet de nitrobenzine et on chauffe à la vapeur en agitant. Le produit de la réaction est ensuite distillé pour obtenir l’aniline du commerce, qui est généralement un mélange plus ou moins complexe d’aniline proprement dite et d’autres alcalis analogues, notamment de toluidine (C7H9Az), qui dérive du toluène exactement comme l’aniline dérive de la benzine. C’est qu’en effet la benzine du commerce renferme toujours une forte proportion de toluène.

L’aniline pure (C6H7Az) est un liquide incolore, mais qui brunit rapidement au contact de l’air, d’une odeur vineuse, d’une saveur acre et brûlante, et doué de propriétés toxiques ; elle est peu soluble dans l’eau, très soluble dans l’alcool et l’éther. Nous avons déjà constaté qu’elle rappelle à beaucoup d’égards l’ammoniaque et qu’elle forme avec les acides des sels analogues aux sels ammoniacaux. Les nombreuses réactions colorées de l’aniline ne sont pas encore toutes scientifiquement définies malgré les beaux travaux de M. A.-W. Hofmann sur ce sujet. Dans la génération des matières tinctoriales, on s’est d’ordinaire servi d’anilines du commerce, et il en résulte que le nom de couleurs d’aniline est donné à une foule de produits dans la formation desquels interviennent pour une large part d’autres alcalis. Pourtant le jour commence à se faire dans ce chaos d’applications multiples, et de grands progrès ont été accomplis par l’emploi des procédés rationnels de la synthèse chimique, qui permettent de réaliser avec précision et certitude des transformations formulées à l’avance par la théorie.

C’est à un jeune chimiste anglais, M. W. Perkin, que revient l’honneur d’avoir le premier préparé, en 1856, une matière colorante dérivée de l’aniline et susceptible d’être employée à la teinture des tissus : c’est le violet d’aniline, désigné aussi par une foule d’autres noms tels que mauve, indisine, rosolane. Il l’obtint par la réaction du bichromate de potasse sur le sulfate d’aniline du commerce, et ses recherches concernant la base appelée par lui mauvéine attirèrent bientôt l’attention sur les avantages que les dérivés colorés de l’aniline peuvent offrir à l’art du teinturier. En 1858, un chimiste de Lyon, M. Verguin, obtint par la réaction des chlorures métalliques sur l’aniline sèche le rouge d’aniline, dont la préparation fut brevetée par MM. Renard frères sous le nom de fuchsine, et on vit alors paraître sur le marché les splendides couleurs bien connues sous les noms de magenta, solférino, etc., dont l’apparition