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l’ammoniaque deux atomes d’hydrogène par deux atomes de phényle, on forme la diphénylamine, — en les remplaçant par 1 atome de phényle et 1 atome de méthyle, la méthylphénylamine ou méthylaniline, et ainsi de suite. Tous ces corps dérivés de l’ammoniaque offrent les caractères généraux de cet alcali : ils forment avec les acides des sels comparables aux sels ammoniacaux, solubles et cristallisantes dans l’eau et l’alcool, ils décomposent les sels de fer ou de zinc, etc.

L’aniline, la méthylaniline, et les autres produits de substitution analogues que l’on peut former par l’introduction des divers radicaux d’alcools ou d’acides dans la molécule anilique, se prêtent tous avec plus ou moins de facilité à la génération des matières colorantes qui nous occupent. Il ne faut pas croire toutefois qu’on puisse les obtenir directement par la distillation de la houille, bien que les produits déjà connus de cette distillation soient extrêmement nombreux. Le carbone et l’hydrogène étant deux élémens susceptibles de se combiner dans les proportions les plus variées, on constate en effet dans le gaz de la houille et dans les résidus de la distillation la présence d’une soixantaine au moins de corps chimiquement définis. Le type hydrogène est représenté par le gaz des marais, le gaz oléfiant, la benzine (C6H6), le toluène (C7H8), la naphtaline (C10H8), etc., le type eau par l’acide carbonique, les acides sulfureux et sulfhydrique, l’acide acétique, le phénol ou acide phénique (C6H6O), l’acide crésylique (C7H8O), etc., le type ammoniaque par l’aniline et par beaucoup d’autres aminés. De tous ces corps, c’est surtout la benzine qu’on s’attache à obtenir en abondance, car c’est d’elle qu’on dérive ensuite par des transformations faciles les bases qui serviront à faire naître des réactions colorées.

On commence par transformer la benzine en nitrobenzine par l’action de l’acide nitrique fumant, qui lui enlève l’atome d’hydrogène associé à l’atome de phényle et le remplace par un atome de vapeur nitreuse. La nitrobenzine est un liquide de couleur ambrée que l’on fabrique en grand sous le nom d’essence de mirbane, comme succédané de l’essence d’amandes amères, dont le prix est fort élevé ; les parfumeurs s’en servent pour aromatiser les savons et les pommades dites à l’amande amère. Ce produit a pris une importance inattendue quand Zinine découvrit que sous l’influence de l’hydrogène naissant la nitrobenzine perdait tout son oxygène et se changeait en aniline, l’hydrogène prenant simplement la place de l’oxygène perdu. C’est à un chimiste français, M. Béchamp, qu’on doit le procédé de réduction de la nitrobenzine le plus pratique, celui que suivent exclusivement aujourd’hui les fabricans d’aniline : il consiste à mélanger la nitrobenzine avec de l’acide acétique et de la limaille de fer. L’opération a lieu dans un cylindre vertical en fonte, traversé