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n’avoir que de l’admiration pour le système fédéral des Provinces-Unies, car jamais on ne vit un développement économique plus prodigieux que celui de la république néerlandaise après qu’elle eut secoué le joug de l’Espagne. Elle acquit en peu d’années la suprématie des mers. Ses colonies occupaient un espace énorme dans les deux hémisphères. Elle possédait dans l’Amérique du Nord ce qui devait devenir la Nouvelle-Angleterre, dans l’Amérique du Sud Le Brésil, en Afrique le cap de Bonne-Espérance, Coromandel et partout des comptoirs, en Asie Ceylan, la côte du Malabar et les riches îles de la Sonde. Elle ajoutait aux quatre parties du monde une cinquième qui porte son nom, la Nouvelle-Hollande, ainsi que la Nouvelle-Zélande et l’île de Van Diemen. Elle faisait le commerce de l’univers. Ses rades, ses ports, ses rivières, étaient trop étroits pour les vaisseaux qui s’y pressaient. Elle avait, dit-on, 3,000 navires et 100,000 matelots, les meilleurs et les plus braves dans les tempêtes et dans les batailles, comme ils surent le prouver dans cent rencontres avec les Portugais, les Espagnols, les Anglais, les Français. Les plus riches produits des deux mondes encombraient les quais d’Amsterdam. Les affaires étaient si colossales qu’on s’habituait à les compter non par écus, mais par tonnes d’or. La banque d’Amsterdam créait le type des grands établissemens de crédit, escomptait les traites de tous les pays et émettait un papier si solide qu’il faisait prime sur l’argent. La compagnie des Indes était le premier modèle de nos grandes sociétés, anonymes; elle donnait des dividendes inouïs, 75 pour 100 en 1606, 50 en 1610, 57 en 1612, 67 en 1616.

La population s’accroissait en proportion de la richesse, — celle d’Amsterdam s’élevait de 75,000 en 1580 à 130,000 en 1610 et à 300,000 bientôt après. L’état entier comptait 3 millions 1/2 d’habitans, à peu près autant que l’Angleterre, et ils étaient incomparablement plus riches. Point de misère, mais point de luxe insolent. Il n’y avait pas de couvent pour encourager l’une et pas de cour à la Louis XIV pour fomenter l’autre. Tous étaient au travail; les magistrats municipaux eux-mêmes en donnaient l’exemple, étant presque tous engagés dans le commerce. Les habits étaient simples, les mœurs austères et pures; on recherchait beaucoup le bien-être, mais il n’y avait nulle ostentation. Le calvinisme avait pénétré la nation de son esprit. L’Amérique du Nord nous a offert longtemps le même spectacle.

L’agriculture n’était pas moins prospère que le commerce. Les plus belles prairies du monde étaient conquises sur la mer à force d’industrie et de persévérance; elles se couvraient de ces admirables troupeaux dont les peintres du temps nous ont conservé l’image et dont les produits s’exportaient au loin. Les cultivateurs, ailleurs