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localités environnantes, à diverses époques de notre siècle; elles ont été décrites plusieurs fois. Toutefois ces dernières œuvres sont si belles que je ne puis résister au désir d’en dire quelques mots. Elles ont d’ailleurs leur philosophie, et parlent éloquemment dans leur langage emblématique des transformations que subissait l’âme humaine à cette époque de transition entre le paganisme expirant et le christianisme grandissant. En voici deux où se reconnaît le même esprit mystico-sensuel qui règne dans le célèbre roman d’Apulée. Elles représentent la lutte de l’Amour et du dieu Pan, sujet païen certainement, mais d’un paganisme bien atteint de tendresse platonicienne, car que signifie ce sujet, s’il n’établit pas une séparation entre l’amour et la sensualité, et s’il n’oppose pas un certain idéal spirituel à la vieille réalité charnelle? La troisième représente Orphée jouant de la lyre, entouré d’animaux et d’oiseaux, sujet à la mode dans toutes les écoles et populaire dans toutes les doctrines entre le IIe et le IVe siècle, car on le rencontre partout, et dans les peintures des catacombes, et dans les décorations païennes, plus tard même dans les ivoires sculptés de Byzance. Chrétiens et païens, préoccupés d’un nouvel idéal, se servirent également de ce mythe rajeuni pour exprimer la supériorité de l’âme sur la matière, et la suprématie de l’amour sur toutes les autres forces du monde. L’âme est amour, l’amour est harmonie, et par l’harmonie triomphe de la matière, qui est anarchie et désaccord. Ce sont donc les plus hautes préoccupations des âmes à l’époque où leurs couleurs furent assemblées que ces mosaïques nous font apparaître; ce ne sont pas seulement œuvres d’art décoratif et témoignages de l’habileté des artistes anciens, ce sont pièces d’un dossier historique et fragmens de philosophie. C’est non plus de la vie intérieure des âmes, mais de la vie extérieure des mœurs, que nous entretient la dernière et la plus belle de ces mosaïques. Celle-là nous représente dans tous leurs détails les spectacles du cirque; l’espace qu’il s’agit de parcourir est tracé par un long ovale ouvert à l’une de ses extrémités, où s’élève une tribune occupée par les juges des jeux comme dans les joutes du moyen âge. Autour courent les partis rivaux, divers par leurs couleurs comme les jockeys de nos courses. Les chars volent, tournent l’extrémité arrondie de l’arène, dévient de leur route; en voici un, le plus près de l’estrade, qui n’a pas su éviter la borne et qui se brise en arrivant au but; metaque fervidis non evitata rotis. A leur tour, les chevaux accouplés s’élancent, conduits par un guide qui s’accroche à leur mors, absolument comme nous voyons représentées dans des gravures célèbres les courses des chevaux libres dans le Corso. Joutes du moyen âge, jockeys anglais et français, courses du Corso,