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comme la voluptueuse Sulamite : Nigra sum sed formosa. Toute belle qu’elle soit, cette couleur noire ne laisse pas que d’être gênante, car elle empêche de distinguer les ornemens et les petits bas-reliefs de la façade qu’elle recouvre entièrement. Tout Saint-Jean est pour nous dans ce charme extérieur; à l’intérieur, une seule chose nous en a réellement intéressé, la belle chapelle construite par Charles, cardinal de Bourbon, et par son frère, le duc Pierre de Beaujeu. Joli spécimen du style fleuri de la dernière heure du gothique, elle conserve encore intacts presque tous ses ornemens, parmi lesquels les blasons particuliers de Charles de Bourbon et de Pierre de Beaujeu, fort différens de ceux que l’on rencontre en Bourbonnais, en Forez et aussi en Lyonnais. Voici par exemple un glaive à lame à forme de flamme ondoyante, la pointe dirigée en haut; autour s’enroule une banderole où la modeste et confiante devise de Louis II, Espérance, a été remplacée par cette autre plus hautaine et plus assurée, Ni espoir ni peur, qui traduit assez fortement l’état d’âme où les princes de Bourbon durent être à cette époque, au sortir des guerres du bien public et sous la régence d’Anne de Beaujeu, si grands et cependant soumis à un maître, si près du trône et cependant exclus de toute prétention royale. Ni espoir ni peur, c’est bien la devise à laquelle le connétable va donner tout à l’heure un corps par son audacieuse entreprise. Un autre emblème plus connu se rencontre aussi dans cette chapelle, le chardon; dans celui-là, calembour figuré, il faut lire que Pierre de Beaujeu, en recevant du roi Louis XI sa fille Anne a reçu un cher don. Reste à savoir comment il faut interpréter le calembour. En l’adoptant, Pierre de Beaujeu a-t-il voulu dire qu’il avait reçu un don chéri, ou un don payé bien cher, car, époux de la régente, il lui avait fallu soutenir les intérêts du jeune roi dont sa femme représentait le pouvoir, tandis que sans cette circonstance il aurait pu travailler pour ses intérêts propres à l’imitation de son frère Jean II, et peut-être se ranger sous la bannière de ce duc d’Orléans qu’Anne fut contrainte de combattre? Peut-être l’emblème a-t-il à la fois les deux sens.

Les restes historiques et les curiosités d’art sont en grand nombre à Lyon, surtout pour ce qui concerne l’antiquité gallo-romaine; la plupart sont fort célèbres, et nous n’avons pas à nous en occuper. Voici par exemple les fameuses tables de bronze de l’empereur Claude; le texte en est partout. Voici des bijoux romains, œuvres d’un travail exquis, si modernes par la forme qu’on les croirait sortis des ateliers de quelqu’un de nos orfèvres en renom ; ils sont fort connus, et l’on a écrit à leur sujet d’agréables brochures. Voici les quatre grandes mosaïques découvertes, tant à Lyon que dans les