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historiques, c’est-à-dire une personne d’une majesté élégante. Avec quelle aisance et quelle liberté se détache la figure du grand roi, de quelque côté qu’on la regarde! Cette figure respire l’autorité; elle commande sans geste, appelle sans parole, domine sans ordonner, par la seule fermeté de son attitude et la seule dignité de son maintien. Un tel personnage a droit naturellement à l’obéissance, c’est ce que sent bien le cheval, que l’artiste a fait enfourcher par Louis XIV à la manière antique, c’est-à-dire sans l’emploi de la selle et des étriers, souvenir de la statue équestre de Marc-Aurèle au Capitole très habilement appliqué ici pour faire ressortir avec plus de force l’idée d’une fermeté qui s’impose sans effort. Et maintenant par quel moyen l’artiste est-il arrivé à produire cet effet de souveraine majesté? Tout simplement par l’observation judicieuse de cette harmonie des proportions que nous signalions tout à l’heure, par un équilibre si bien établi entre les deux figures de son œuvre qu’elles ne peuvent se nuire l’une à l’autre. Cet équilibre dépendait tout entier du mouvement du cheval, et l’artiste avec un tact admirable a choisi celui qui non-seulement pouvait le plus naturellement conserver l’harmonie des proportions, mais celui qui s’accordait le mieux avec l’impression de majesté qu’il voulait rendre. Ce cheval ne se cabre ni ne se soulève, en sorte qu’il ne cache la figure du roi d’aucun côté et qu’il la laisse resplendir libre ; il n’est cependant pas immobile, mais, esclave heureux, il se porte en avant d’un mouvement à la fois vif et mesuré, crispant avec une ardeur savante les pieds de derrière et dressant la tête avec une expression de fierté obéissante.

Les artistes lyonnais modernes ne sont pas indignes de leurs prédécesseurs. Parmi ces artistes, il en est trois qu’il faut nommer particulièrement, MM. Bonnet, Fabisch et Bonnassieux; je m’arrêterai de préférence aux deux derniers. M. Fabisch, si je ne me trompe, est enfant de l’Auvergne, mais on peut en toute sûreté le considérer comme Lyonnais. C’est dans cette ville qu’il a étudié, qu’il a grandi, qu’il a mûri son talent et poussé sa fortune; enfant de ses propres œuvres, il appartient étroitement à Lyon, non-seulement par son talent, mais encore par ses fonctions actuelles de directeur de l’École des Beaux-Arts. Que de belles et charmantes œuvres il a semées de toutes parts, non-seulement dans sa ville, mais dans tout le Lyonnais! Elles sont en nombre infini, et il n’y en a pas une qu’on puisse dire banale, car il n’y en a pas une qui ne révèle une recherche, un effort, un désir du nouveau, ou qui ne présente quelque heureuse trouvaille de nuance ou d’effet. Tout artiste est condamné à marcher dans des terres déjà labourées, — et labourées par quelles charrues illustres ! M. Fabisch connaît cette dure condition,