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la célèbre Ascension du Pérugin, un des dons les plus splendides que jamais ville ait reçus d’un prince.

La beauté de l’église de Fourvières est loin d’en égaler la célébrité. Réparée et reconstruite à diverses époques, c’est aujourd’hui un édifice de formes romanes, aux proportions mal prises, aux dispositions irrégulières, au porche trop élevé, surmonté d’un clocher à trois étages s’arrondissant en dôme à son extrémité, et couronné d’une statue de la Vierge par M. Fabisch, dont il est impossible de distinguer le mérite à la distance où cette œuvre est du sol. Rien dans l’architecture n’est donc fait pour retenir l’attention; mais il n’en est pas tout à fait ainsi du spectacle que cette église présente à l’intérieur. En entrant, l’œil est tout d’abord ébloui par l’éclat des lumières qui s’échappent de centaines de petits cierges longs, à la forme svelte et effilée, qui brûlent dans de larges soucoupes en tôle ou en fer-blanc dans lesquelles ils répandent par torrens leur cire fondue, ou s’inclinent les uns sur les autres en mêlant leurs lumières, comme s’ils étaient fatigués de brûler seuls, ou tombent en s’éteignant à demi consumés. La mignonnesse de ces innombrables petits cierges, dons des fidèles, la blancheur immaculée de la cire, la pureté parfaite de la lumière, sont d’un effet singulièrement riant à l’œil. Quelque chose d’enjoué, d’enfantin, de touchant et de chaste se remue dans l’âme devant ce spectacle de clartés sans tache, symbole subtil du mystère de candeur virginale qu’on vient adorer en ce lieu. Lorsque l’œil s’est suffisamment rassasié de ce spectacle innocemment gai, il remarque le singulier va-et-vient des visiteurs et des fidèles. Je n’ai pas vu Fourvières dans ses grands jours de pèlerinages et de fêtes; mais le mouvement dont il est le théâtre dans les jours les plus ordinaires a vraiment de quoi frapper. A toute heure, l’église est pleine; notez que la montée de Fourvières est des plus fatigantes, et que c’est tout un petit voyage que d’atteindre au sommet. Ce qui augmente encore l’étonnement, c’est qu’on ne se rend pas bien compte de la manière dont tant de fidèles se trouvent réunis. Pendant les quinze jours que j’ai passés à Lyon, j’ai fait plusieurs fois, et par les chemins les plus opposés, l’ascension de Fourvières, je n’ai jamais rencontré personne se rendant à l’église. Sur le chemin réservé aux voitures, je n’ai rencontré que des troupeaux de vaches et de moutons, et encore descendaient-ils la colline au lieu de la monter. Personne sur le sentier sinueux, planté d’arbres, par lequel les promeneurs s’y rendent d’ordinaire, si ce n’est quelques ecclésiastiques lisant leur bréviaire ou quelques vieux Lyonnais reposant leurs rhumatismes sur un banc de pierre en face de quelqu’une des stations du calvaire qui, de distance en distance, mesurent le chemin. Reste enfin l’étroit et interminable escalier qui