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de l’antique cité et de la primitive église de Lyon. Quant aux débris gisans sur le sol ou déterrés par la pioche, ils se composent presque invariablement de monumens et d’inscriptions funèbres, en sorte que le legs de cette ville défunte est formé bien plutôt des souvenirs de ses morts que des témoignages de sa vie. Et cependant, en dépit de la ruine et du temps, ce premier Lyon, aujourd’hui réduit à l’état de souvenir, n’en conserve pas moins ses droits de préséance sur le Lyon moderne, grâce à l’église dédiée à Notre-Dame, qui s’élève sur l’emplacement du forum ancien, et qui est le but d’un constant pèlerinage dont aucun de nos lecteurs n’ignore certainement la popularité. Ce que le Capitole était pour l’ancienne Rome, le sanctuaire de Fourvières l’est encore à quelques égards pour Lyon ; c’est le palladium de la cité, palladium religieux et civique à la fois, car à l’origine cette dévotion à Notre-Dame dut évidemment une partie de sa ferveur au souvenir d’un passé dont les mémoires étaient pleines, et lorsqu’aujourd’hui le Lyonnais monte pieusement la colline révérée, ses hommages, qu’il le sache ou non, s’adressent encore pour moitié à la cité disparue des aïeux. La reine de l’immuable éternité fait le lien entre les générations éphémères, et ramène chaque jour près de son berceau l’enfant grandi et vieilli pendant dix-huit siècles. C’est la ville ancienne qui est chargée de protéger la ville moderne, et ce fut là si bien le sentiment qui s’enveloppa dans cette dévotion à Notre-Dame, qu’aujourd’hui encore il existe à Fourvières une confrérie dont l’origine se perd dans la nuit des temps et dont le but est de prier pour la ville. Dans ce culte lyonnais, il entre donc beaucoup du respect pieux que les peuples de l’antiquité attachaient à leurs remparts et à leur citadelle; il n’en est que plus vénérable et plus vraiment religieux.

L’histoire de Notre-Dame de Fourvières n’est ni bien longue, ni bien compliquée, et pourrait se résumer en deux mots : c’est celle d’un accroissement continu. Ce fut d’abord une simple chapelle adossée contre un portique resté debout de l’ancien forum, puis la chapelle devint une église, l’église devint une collégiale, la collégiale un lieu de pèlerinage célèbre dans tout le monde chrétien. Cette histoire a cependant son intérêt, car nombre de personnages illustres ont passé par ce lieu, et lui ont laissé qui une parcelle de sa gloire, qui une obole de sa richesse, qui un atome de sa puissance. Le Saxon Thomas Beckett, archevêque de Cantorbéry, si fameux par sa lutte contre le Normand Henri II, est venu là pendant son exil, et, comme la construction de la principale nef de l’église coïncide avec la date de l’homicide dont il fut victime après son retour en Angleterre, cette nef fut placée sous l’invocation de son