Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/781

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui sépare les Shetland des Féroe, le Porcupine a trouvé par 1,170 mètres : à la surface 9%08, au fond 1°,2 au-dessous de zéro. Au Spitzberg, dans le voisinage des glaciers qui aboutissent à la mer, nous avions également constaté qu’à des profondeurs dépassant 70 mètres l’eau de la mer était à une température inférieure à zéro. Ces résultats confirment la loi établie expérimentalement par Despretz dans son laboratoire, savoir que l’eau salée augmente constamment de densité à mesure qu’elle se refroidit, tandis que l’eau douce est à son maximum de densité à la température de 4° centigrades au-dessus de zéro. Minutieux et insignifians aux yeux de l’observateur superficiel, ces faits ont une importance immense pour la physique du globe ; me bornant à un seul exemple, je dirai que le climat de l’Europe ne serait pas tempéré comme il l’est, si les eaux du gulf-stream avaient leur maximum de densité à 4°, comme l’eau douce de nos lacs et de nos rivières.


III. — RECHERCHES ZOOLOGIQUES ET BOTANIQUES.

Le Ligthning et le Porcupine, en explorant le fond de l’Océan-Atlantique depuis les Féroe jusqu’au golfe de Biscaye, avaient déjà recueilli des faits aussi importans qu’inattendus. La faune marine descendait dans les abîmes de l’Océan à des profondeurs où l’on croyait que la vie ne pouvait exister, et, tandis que les plantes ne dépassaient pas 300 ou 350 mètres, on avait trouvé des animaux d’une organisation compliquée jusqu’à 4,000 mètres de profondeur. Soumis à des pressions de 400 atmosphères, ces animaux supportaient par conséquent un poids de 413 kilogrammes par centimètre carré de surface. L’homme, à la pression moyenne de 760 millimètres, ne supporte que 1k, 033 grammes, souffre déjà sous une pression trois ou quatre fois plus forte[1] et ne saurait dépasser cinq atmosphères sans danger de mort. Cependant on a péché des poissons jusqu’à 1,100 mètres de fond, nageant par conséquent sous une pression de 110 atmosphères et supportant un poids de 113 kilogrammes par centimètre carré. N’est-il pas étonnant que les plantes, les algues marines, dont l’organisation est si simple, comparée à celle des poissons, et qui ont apparu dans les mers géologiques des millions d’années avant eux, s’arrêtent à une profondeur quatre fois moindre?

La distribution géographique des animaux marins a été ébauchée par Sars et Loven dans les mers de la Scandinavie. On a vu que la faune arctique qu’ils avaient signalée s’étendait vers le sud dans

  1. P. Bert, Recherches expérimentales sur l’influence que les modifications dans la pression barométrique exercent sur les phénomènes de la vie, p. 139.