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fort palan fut dressé sur la dunette du navire, la ligne passait à travers une poulie frappée sur le palan. Le poids de la sonde était de 152 kilogr. A 2 heures 44 minutes 20 secondes, la sonde commençait à descendre : elle se déroulait rapidement sur le tambour, et à 3 heures 17 minutes 55 secondes, c’est-à-dire au bout de 33 minutes, elle touchait le fond à 4,450 mètres de profondeur; elle était donc descendue avec une vitesse de 135 mètres par minute. Pour la retirer, il fallut 2 heures et 2 minutes. Le bas du tube était rempli de vase fine, et le thermomètre à minima indiquait une température de 2°,5 centigrades pour l’eau du fond de la mer, celle de la surface étant de 18°, 3. Avec les sondes usitées autrefois, cette opération aurait duré au moins six heures et fatigué l’équipage, obligé de faire le travail de force exécuté par la petite machine à vapeur.

Une opération telle que celle que nous venons de décrire indique la profondeur de la mer, la nature du fond et la température de l’eau qui est en contact avec lui; elle ne nous apprend rien sur les êtres organisés qui peuvent l’habiter. Les appareils destinés à ramasser et à ramener à la surface les animaux qui vivent ou les plantes qui croissent au fond de la mer portent le nom générique de dragues : celles-ci ont la forme d’un cabas dont l’ouverture est maintenue toujours béante par une armature en fer garnie d’un râtelier de dents destiné à racler le fond de la mer. Le cabas lui-même est un filet à mailles de 1 centimètre de diamètre : on ajoute à une traverse en fer, qui dépasse des deux côtés le fond du cabas, des paquets de cordes appelés fauberts, qui servent à nettoyer le pont; ces fauberts balaient le fond de la mer et entraînent tous les animaux et toutes les coquilles armés d’aspérités. Dans un canot et par de faibles profondeurs, ces dragues peuvent être manœuvrées à la main; mais sur un grand navire, et lorsqu’on veut draguer à 4,000 ou 5,000 mètres, une petite machine à vapeur placée sur le pont est un aide indispensable. On attache à la ligne, à la distance de 900 mètres au-dessus de la drague, un poids maximum de 400 kilogr. : celle-ci descend dans la mer, mais pendant ce temps le navire se déplace suivant la direction du vent; la ligne devenant de plus en plus oblique, ni la drague ni le poids n’atteignent le fond. Alors quelques tours d’hélice ramènent le navire en arrière vers sa position initiale, la drague descend et mord le fond. L’effet seul du poids et le déplacement lent du navire suffisent pour la promener dans le sens suivant lequel il se meut.

Muni de tous ses appareils, le Challenger partit de Portsmouth le 21 décembre 1872; il arrivait à Lisbonne le 3 janvier 1873, contrarié sans cesse par le mauvais temps, et le 12 du même mois à Gibraltar. Quelques sondages exécutés sur les côtes du Portugal donnèrent déjà des résultats intéressans pour la physique du globe,