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sollicita l’appui du gouvernement, qui mit à la disposition des deux sa vans le navire le Lightning (l’Éclair), portant sur le pont une petite machine à vapeur (donkey-engine) propre à retirer la sonde ou la drague descendues à de grandes profondeurs. Les deux zoologistes explorèrent d’abord les mers comprises entre le nord de l’Ecosse et les îles Féroe. L’année suivante, en 1869, on arma un navire marchant à la fois à la voile et à la vapeur, le Por-cupine (Porc-épic), parfaitement approprié à ce genre de recherches. L’état se chargea des frais de l’expédition; la Société royale prêta les instrumens. Le navire fit trois croisières. Un autre malacologiste distingué, M. Gwyn Jeffreys, suppléa M. Carpenter sur les côtes d’Irlande, autour du banc de Rockale, dans la baie de Biscaye et dans la Méditerranée. M. Carpenter étudia spécialement le détroit de Gibraltar. Ces explorations des mers européennes ont été pour ainsi dire la préface de la grande entreprise dont nous ferons connaître les premiers résultats.


II. — VOYAGE SCIENTIFIQUE DU CHALLENGER. — PROFONDEURS ET TEMPÉRATURES DE L'OCÉAN-ATLANTIQUE.


Le Challenger (la Provoquante) est une corvette à hélice à deux ponts de 2,300 tonneaux, réunissant les avantages d’une frégate comme capacité aux qualités d’une corvette comme facilité de manœuvre et faible tirant d’eau. Sa machine à vapeur a la puissance nominale de 400 chevaux, et six embarcations, dont une à vapeur, sont suspendues à ses flancs. Le Challenger était armé de dix-huit canons; mais, n’ayant personne à provoquer dans un voyage absolument pacifique, seize de ces canons furent débarqués et remisés à l’arsenal. Le pont tout entier a été livré aux installations scientifiques. L’arrière-cabine, sous la dunette, est le logement du commandant, le capitaine Nares, et du professeur Wyville Thomson, d’Edimbourg, chef scientifique de l’expédition. Cette cabine communique avec une grande pièce ayant 9 mètres de long sur 3 mètres 6 centimètres de large, servant de cabinet de travail. Des deux cabines situées à la suite, celle de bâbord est un laboratoire de zoologie, l’autre le dépôt des cartes marines. Une grande table placée au milieu du laboratoire porte quatre microscopes fixés par des écrous, éclairés par des lampes et accompagnés de pinces, de ciseaux et autres instrumens en nickel, afin de n’être pas rouillés par l’eau de la mer. Du plafond auquel sont fixés des harpons, des tridens, des boîtes de fer-blanc, pendent des tables suspendues, indispensables pour travailler pendant le roulis. De nombreuses étagères portent des bocaux de toute grandeur, et un robinet, communiquant avec un réservoir d’alcool, permet de les remplir immédiatement.