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LE MALANDRINAGGIO EN SICILE.

assez de profits pour se rendre indépendante de la protection de l’état. En Sicile, outre les raisons communes au reste de l’Italie, il en est d’autres, toutes particulières, qui militent en faveur d’une prompte exécution des lignes ferrées. On excitera ainsi l’émulation des propriétaires et des communes, qui toutes à l’envi se hâteront de construire des routes pour profiter les premières des avantages du nouveau système. D’immenses étendues de terrain où aujourd’hui, faute de moyens de transport pour la récolte, on ne peut avoir que des pâturages seront alors mises en culture; les paysans se répandront dans la campagne et quitteront leurs affreux villages, foyers de misère et de corruption; même dans les lieux où règne la malaria, en attendant que des travaux spéciaux aient modifié la nature du sol, il sera possible d’obtenir du cultivateur un plus long séjour sur la terre, en le conduisant rapidement et à peu de frais de son village au champ cultivé. Déjà par le concours intelligent de l’état et des administrations provinciales, Palerme a été dotée d’un chemin de fer de ceinture : une ligne va de Palerme à Termini et à Lercara, où se trouvent d’importantes mines de soufre, on la continuera jusqu’à Catane; une autre ira également de Palerme à Trapani.

En même temps, des travaux considérables s’accomplissent pour améliorer et agrandir le port de Palerme. Dès aujourd’hui ce port peut compter parmi les premiers de l’Italie. La somme des marchandises exportées, qui avant 1860 montait à peine à 8 millions de francs, s’est élevée à 17 millions en 1869, chiffre plus que triplé maintenant; le mouvement et le tonnage des navires augmentent dans les mêmes proportions. Sous les Bourbons, les relations postales avec l’Italie n’existaient pas pour ainsi dire; une ou deux fois au plus par semaine, à la condition pourtant que la mer ne fût pas trop mauvaise, de petits bateaux faisaient le trajet de Palerme à Naples et vice versa, et l’on se souvient encore en Sicile de cette année 1856, où, trente-six jours durant, il fut impossible d’avoir aucune lettre du continent. Maintenant le service est fait régulièrement, cinq fois la semaine, par les paquebots d’une compagnie sicilienne; cette compagnie en outre relie-entre elles les différentes cités maritimes de l’île et fait communiquer la Sicile avec Malte et Tunis, Depuis 1868, de la seule ville de Palerme, la poste a expédié en moyenne 2,500,000 lettres par an; les télégraphes également, dont le service ne date que de l’annexion, ont envoyé 70,000 dépêches en moyenne et en ont reçu 100,000. On peut juger par là du chemin déjà fait.

Il faut bien l’avouer pourtant, les réformes économiques, si bonnes qu’elles soient en principe, sont toutes préventives et n’engagent guère que l’avenir. Depuis que les compagnies d’armes et la police urbaine de Maniscalco ont été dissoutes par Garibaldi, le malandrinaggio