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ce sont les effets généraux et d’ensemble qu’il convient d’envisager. Or ici ils ont été considérables et excellens.

Un plan aussi simple que sûr fut adopté, sur la recommandation de M. Thiers, pour le remboursement de la somme due à la Banque de France, somme qu’il importait de lui restituer, car c’était la condition du rétablissement du système monétaire de la France sur la seule base qui soit acceptable, celle des espèces métalliques sans immixtion obligatoire de la monnaie de papier. Il fut expressément inscrit dans la loi que ce remboursement aurait lieu à raison de 200 millions de francs par an, disposition qui était une obligation pour l’état, et à laquelle cependant l’assemblée vient de déroger.

L’impartialité nous oblige à dire que dans la seconde partie du plan général des finances, celle qui avait pour objet l’établissement d’un budget en équilibre, M. Thiers n’avait pas mérité le même éloge que dans la première. M. Thiers avait été pendant les six ou sept dernières années de l’empire membre du corps législatif. Il était rangé dans l’opposition et avait fait contre les actes du gouvernement des discours pleins d’éloquence, c’est un don qu’il possède et qui le suit invariablement. Un des sujets qu’il avait abordés avec prédilection était le traité de commerce du 23 janvier 1860 entre la France et l’Angleterre, traité qui avait été étendu successivement, avec quelques remaniemens avantageux et conformes aux principes, à beaucoup de nations autres que notre voisine d’outre-Manche. Ce traité avait fait passer la France, dans ses rapports avec les autres états, du système douanier le plus prohibitif qu’il y eût dans les cinq parties du monde à un régime de liberté commerciale relative, très éloigné encore du libre échange absolu, tel que les Anglais l’ont maintenant en vigueur. Les négociateurs français, par une circonspection et un esprit de ménagement qu’on ne peut qu’approuver, avaient cru devoir maintenir dans les éditions successives du traité des restrictions multipliées et dans quelques cas rigoureuses. Le traité de commerce est aujourd’hui jugé en dernier ressort. Ce fut une des inspirations les meilleures et les plus utiles du second empire; il marquera à son crédit et à son honneur dans l’histoire de la France.

Mais M. Thiers n’en a jamais jugé ainsi, et à l’heure actuelle il persiste à peu près seul en France dans une opinion hostile au traité. M. Thiers est libéral en principe, il l’est avec ampleur quand il n’est pas le maître du gouvernement; mais son libéralisme plane toujours dans les régions de la politique sans s’abaisser jusqu’à la sphère où se débattent les intérêts et les transactions des diverses industries. C’est là pourtant que se passe la majeure partie de la vie des peuples ; c’est ce qui absorbe la plus grande masse de leurs efforts et fait l’objet de leur activité infatigable. M. Thiers ne fait pas