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livre; mais cette incommodité tient à la construction primitive de ces cages, comme on peut s’en assurer en les comparant aux hoodas de l’Inde. C’est dans l’Inde qu’il faut étudier l’emploi de l’éléphant, et dans l’Inde seule on peut apprécier pleinement les mérites de cet animal; c’est là en effet que l’art de la domestication et du dressage de l’éléphant a été poussé à ses dernières limites.

La Cochinchine peut donc gisement fournir les éléphans nécessaires aux besoins de notre armée. Dans l’hypothèse que nous esquissons et vu le petit nombre d’animaux requis pour le service de deux batteries, comparé à l’abondance des éléphans en Cochinchine, on pourrait choisir principalement des femelles. Les éléphans, une fois habitués à l’attelage et au bruit du canon, seraient transportés en Algérie. Dans ce pays, où l’espèce a été indigène jusqu’aux Ve et VIe siècles de notre ère, on organiserait les batteries d’éléphans, et on les enverrait en France, une fois leur éducation militaire terminée. Ces batteries stationneraient en France à poste fixe pour être prêtes à entrer en campagne au premier signal. Elles hiverneraient dans le midi, et pendant la belle saison viendraient dans le nord prendre part aux grandes manœuvres. De la sorte les éléphans s’habitueraient au bruit, à la foule, aux marches avec la troupe, et les chevaux, race nerveuse et impressionnable, s’accoutumeraient aux visages de leurs nouveaux camarades. Le dressage de l’éléphant étant l’affaire de quelques mois, il suffirait de dix-huit mois ou deux ans au plus pour que ces batteries nouvelles fussent en état d’entrer en campagne[1].

Ces idées peuvent paraître étranges parce qu’elles sont nouvelles, et elles soulèveront des objections. La seule valable, à notre avis, serait qu’il est inutile de s’embarrasser en campagne de pièces de fort calibre. Il nous semble que les exemples d’Inkermann et du plateau d’Avron et l’importance de plus en plus grande de l’artillerie à la guerre réfutent cette objection. Quant à celles qu’on pourrait tirer du système même, qu’on nous permette de les évoquer pour démontrer qu’elles ne sont pas concluantes. La dépense ne sera-t-elle pas considérable? ces animaux pourront-ils suivre les marches de l’armée? pourront-ils faire campagne en hiver? ne seront-ils pas involontairement cause d’accidens ou d’embarras?

On a vu tout à l’heure qu’il y a quarante ans un éléphant coûtait

  1. On pourrait encore, comme me le suggère un ami, employer les éléphans pour l’aérostation militaire. Au lieu d’enlever au service les hommes qui retiennent les cordes du ballon captif, on pourrait attacher le ballon à deux ou trois éléphans qu’on dresserait à cette besogne. Les mêmes éléphans transporteraient le matériel nécessaire à l’aérostation, et pourraient même, un jour de combat, transporter le ballon tout gonflé d’un point à l’autre du champ de bataille. Sur l’utilité d’un service aérostatique aux armées, voyez une conférence de M. le capitaine Delambre, de l’Aérostation militaire, faite à la réunion des officiers.