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rainures sur lesquelles glissaient les flasques. Pour empêcher le bât de se déplacer pendant qu’on élevait le poids, une troisième rampe, un peu plus courte, était placée du côté où l’on tirait, avec une extrémité appuyée contre le berceau, donnant ainsi de la fixité à tout le harnachement de l’animal. Charger un mortier ne prenait pas plus de temps que charger un canon. On employait le même procédé pour délivrer les éléphans de leurs fardeaux. L’historien de l’expédition entre dans de nombreux détails sur le harnachement et le bât des éléphans, et propose à cet égard les améliorations qu’a suggérées l’expérience de la campagne.

Les rapports des officiers qui, dans cette campagne, avaient les éléphans sous leurs ordres directs sont d’accord pour traiter d’admirable la manière dont ils s’acquittèrent de leur tâche. Une expédition à travers un pays aussi montagneux et aussi sauvage que l’Abyssinie rencontre des obstacles qu’ignorent nos guerres européennes : c’est, à part les frimas et les glaciers, le passage d’Annibal à travers les Alpes se continuant pendant des centaines de lieues. Si robustes et si obéissans que fussent les éléphans, la marche leur était souvent difficile; quelquefois ils jetaient bas leurs fardeaux en chemin, et il fallait les recharger sur place. Survenait-il un de ces orages torrentiels si fréquens en Abyssinie, souvent les éléphans refusaient d’avancer sous la grêle et sous les éclairs : il fallait s’arrêter et attendre, pour se remettre en marche, la fin de l’orage. Parfois aussi un éléphant accablé de fatigue se couchait et refusait de marcher : si un éléphant se trouvait inoccupé à la suite du convoi, on lui passait la charge de son camarade fatigué, sinon on laissait ce dernier sous la garde de quelques hommes, et après quelques heures de repos il rejoignait le soir ou le lendemain le reste de la colonne. Quand le terrain le permettait, on déchargeait les éléphans pour les reposer et on attelait les chevaux aux pièces. Il y a des journées de l’expédition où chevaux et éléphans se sont ainsi relayés plusieurs fois. C’est d’Antalo à Magdala et de Magdala à Antalo qu’on employa les éléphans pour le service de l’artillerie. D’Antalo à Zula, le port d’embarquement, le terrain permettait d’atteler les chevaux aux pièces ; les mortiers seuls furent portés par les éléphans tout le long du chemin.

Trente-neuf éléphans retournèrent à Bombay après la campagne sur quarante-quatre qui en étaient partis. Voici en quels termes le capitaine Holland, dans son rapport sur le service du train en Abyssinie, s’exprime sur le rôle des éléphans : « Il était souvent difficile de leur procurer le fourrage qui leur convient, et c’est ce manque de fourrage et aussi la distance à laquelle ils devaient aller s’abreuver à Magdala qu’on peut regarder comme la cause de la mort de cinq d’entre eux... Les éléphans marchent lentement dans