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l’hôpital. Depuis ce moment, les mahouts, intéressés à la santé de leurs animaux, les soignent avec plus d’attention, et les cas de maladie ont diminué dans une forte proportion. L’histoire officielle de la campagne d’Abyssinie entre dans plus de détails encore sur les règles d’hygiène applicables aux éléphans et sur la nécessité de surveiller incessamment les mahouts indigènes.

Jusqu’en 1868, les éléphans n’avaient pris part aux manœuvres et aux marches de l’armée anglaise qu’en temps de paix et dans le pays où ils sont nés. L’expédition d’Abyssinie a été pour eux une épreuve dont ils sont sortis avec honneur. On les a employés dans cette campagne, non comme bêtes de trait, mais, service bien plus pénible, comme bêtes de somme lourdement chargées, et cela dans un pays de montagnes, de ravins et de précipices. La grande difficulté dans cette expédition était d’arriver jusqu’au repaire du roi Théodoros, jusqu’à Magdala. L’Abyssinie est à l’Afrique ce que la région des Andes est à l’Amérique du Sud : c’est une série de plateaux élevés d’où se détachent de puissans contre-forts, et qu’entrecoupent de profondes vallées. Le pays était peu connu, les montagnes n’étaient traversées d’aucune route. Il était impossible d’y faire passer de grosse artillerie attelée; on résolut de la faire porter à dos d’éléphans, et on en fit venir quarante-quatre de Bombay. Les éléphans n’aiment point voyager sur l’eau; lorsqu’on veut les faire embarquer, il faut souvent user de subterfuge pour les décider à se confier au plancher d’un navire. Quelquefois on recouvre de terre le pont mobile qui mène à bord, et on en garnit les côtés de branches touffues qui cachent la vue de l’eau[1]. L’histoire officielle de la campagne d’Abyssinie[2], si riche en renseignemens sur toute l’histoire des éléphans dans cette campagne, donne peu de détails sur leur embarquement; elle se borne à dire que les deux transports qui prirent ces animaux à Bombay furent introduits dans un bassin et que les éléphans y furent hissés du rivage. Ces transports avaient été disposés d’une manière toute particulière. Les éléphans furent installés dans la cale du navire, sur un plancher ajouté, fait de pierre et de voliges; on les disposa dos à dos, la tête tournée vers le flanc du navire. Dans un navire dont le maître-bau mesure de 34 à 36 pieds, on peut placer deux éléphans de cette façon, et encore laisser entre eux un passage assez large pour que les valets puissent aller et venir. La largeur des stalles était de 6 pieds ; elles étaient partagées par deux traverses, larges chacune de 1 pied et épaisse de 8 pouces. Ces traverses re-

  1. Pourtant Annibal réussit à faire passer le Rhône à ses éléphans sur des radeaux. Tite-Live raconte tout au long cet épisode.
  2. Record of the expedition to Abyssinia, compiled by major R. J. Holland and captain H. M. Hozier, Londres 1870.