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100 livres sterling (2,500 francs) par tête prise; dans les foires, un éléphant se vend près de 140 livres. C’est une somme minime, si l’on pense à la grandeur de l’animal et au nombre d’années que sa longévité lui permet de servir ses maîtres. Les éléphans peuvent travailler de dix-huit à soixante-dix et quatre-vingts ans : on les considère comme étant dans toute leur vigueur de vingt-cinq à soixante ans. Le gouvernement britannique de l’Inde emploie les éléphans à la fois dans les services civils et dans les services militaires. Au civil, ils concourent principalement aux opérations de la triangulation, des administrations du télégraphe et des forêts, et aux cortèges solennels des vice-rois et des gouverneurs de province. Au militaire, on les emploie dans les services du train et de l’artillerie. On leur fait porter les bagages et l’équipement d’un camp tout entier. Chaque colonne d’infanterie en a un certain nombre qui marchent près d’elle; de la sorte on évite de charger le soldat d’un bagage qu’il ne pourrait porter impunément sous le ciel brûlant de l’Inde, et lorsqu’on arrive à la fin de l’étape, il ne faut qu’un instant pour dresser les tentes et organiser le camp. Les éléphans sont aussi très utiles dans les districts marécageux, où les chevaux et les bœufs marcheraient difficilement, et dans les régions de montagnes ils rendent des services inappréciables; mais dans ce dernier cas il faut réduire leur charge de moitié. Leur charge ordinaire est de 1,230 livres en plaine et de 674 dans la montagne; on verra tout à l’heure que dans la campagne d’Abyssinie cette charge a été de beaucoup augmentée. Ils ne se servent de leur trompe que pour donner à l’occasion un « coup de main, » par exemple quand il s’agit de tirer d’embarras un chariot ou une pièce d’artillerie.

Dans l’Inde, l’éléphant est principalement bête de somme, non bête de trait, bien que ce soit ce dernier rôle qu’on puisse lui faire remplir le plus aisément sans crainte de le blesser. Malgré son nom de pachyderme, l’éléphant a la peau très délicate; elle est souvent irritée par le harnais, surtout quand le temps est humide. Aussi Tennent dit-il que le travail auquel on puisse le plus avantageusement employer l’éléphant est celui de bête de trait; mais, si on l’attelle à un chariot construit et chargé en proportion de sa force, les routes seront défoncées par la charge. D’autre part, si on réduit la charge de façon à ne pas dégrader les routes, par exemple à 1,500 kilogrammes, comme cela a été essayé plusieurs fois à Ceylan, on a plus de profit à se contenter de bœufs ou de chevaux, dont l’entretien est moins coûteux. Aussi est-ce uniquement dans l’artillerie qu’on emploie l’éléphant comme bête de trait. Il sert à traîner les pièces de fort calibre, trop lourdes pour les jarrets des chevaux. Il y a dans l’artillerie anglaise des Indes, deux batteries de pièces de fort