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M. Boissier a consulté non-seulement les documens écrits, mais encore les monumens épigraphiques, lesquels nous révèlent souvent ce que la littérature ne nous dit pas et laissent échapper des secrets ensevelis depuis des siècles; il a recueilli tout ce que l’érudition allemande, française, italienne fournit de plus nouveau. Pour mettre en œuvre ces richesses, l’auteur possède un art remarquable dont tout le monde ne connaît pas le prix, l’art de bien choisir les textes, de les enchâsser avec une facile industrie, pour les mettre dans leur jour et pour les transformer en peintures. M. Boissier a trouvé un grand nombre de ces textes précieux que personne n’a jamais cités, du moins en pareil sujet, et il en rajeunit d’autres en les mettant à leur vraie place. Cet art, dans les sujets d’érudition, peut être appelé l’art de persuader, car, sur l’antiquité, il faut que ce soient les anciens qui parlent eux-mêmes ; le difficile est de les faire parler à propos et en termes décisifs. C’est ainsi que l’auteur a su jeter une vive lumière sur le chaos des croyances religieuses les plus confuses. Dans ce livre, où les chapitres sont si bien découpés, où règne un ordre si lucide, où tout est d’avance expliqué parce que tout est amené, le lecteur le plus étranger à ces sortes d’études peut se donner la joie de comprendre les plus difficiles problèmes de la philosophie et de la religion antiques. Il sera même étonné de rencontrer en si grave matière des scènes piquantes, pleines de grâce discrète, où l’auteur fait sourire sans avoir l’air de vouloir amuser. M. Gaston Boissier a le rare talent de ranimer les choses éteintes, de rendre leur physionomie aux personnages anciens comme à des contemporains, sans choquer en rien la vérité historique ; son livre peut être proposé comme exemple pour montrer ce qu’une profonde érudition a d’agrément quand elle est au service d’un véritable écrivain.


G. MARTHA.


Le directeur-gérant, C. Buloz,