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que, sans arriver jusqu’ici à aucun résultat, elles réagissent inévitablement sur tous les autres travaux de l’assemblée. Elles ont un double effet. Elles font d’abord perdre du temps, elles suspendent la marche des affaires, elles sont un prétexte facile et promptement saisi de lenteurs, d’ajournemens, qui laissent souvent en souffrance les questions les plus pressantes. Elles ont de plus cette dangereuse conséquence d’introduire incessamment la passion politique, les arrière-pensées, les sous-entendus de parti dans des discussions où sont engagés des intérêts dont on ne devrait s’occuper que pour eux-mêmes. On l’a vu récemment, et on le voit tous les jours. L’assemblée vient de voter une loi municipale préparée par une commission de décentralisation qui était à l’œuvre depuis trois ans. La malheureuse commission a eu le chagrin de voir son projet, si longuement élaboré, quelque peu bouleversé par le débat public. Elle ne s’était peut-être pas complètement préservée elle-même d’un certain esprit qui l’avait conduite à des combinaisons assez étranges défendues avec plus de talent que de succès par le rapporteur, M. de Chabrol. Au grand jour du débat, d’autres considérations sont venues à la traverse, et il est certain qu’il y a eu des votes déterminés beaucoup plus par des raisons politiques du moment que par une juste appréciation de l’intérêt municipal. Bref, on est arrivé à une œuvre qui n’est pas sans doute tout ce qu’elle aurait pu être, et qui, dans tous les cas, est loin de réaliser la grande réforme qu’on avait peut-être rêvée. C’est une loi municipale de plus, voilà tout. L’assemblée, si elle le voulait, aurait certes aussi beaucoup à s’occuper de nos affaires militaires. Elle a devant elle une loi sur l’amélioration de l’état des sous-officiers qu’elle vient de voter à une première lecture, une loi sur les cadres, une loi sur la fortification de nos lignes frontières. Tout cela exigerait plus qu’une attention distraite et fatiguée.

Évidemment, si elle avait un peu plus de calme d’esprit, si elle était un peu plus maîtresse d’elle-même, si elle n’avait pas ce souci obstiné des conflits politiques et de son pénible enfantement constitutionnel, l’assemblée se serait attachée depuis longtemps à une question qui, avec les affaires militaires, est la plus grave de toutes, la question de nos finances. Malheureusement c’est ainsi, nous sommes au mois de juillet, nous avons dépassé la moitié de l’année, et il s’agit toujours de combler le déficit qui est dans notre budget, qui n’avait pourtant rien d’imprévu. Les impôts nouveaux dont on avait besoin, et qui ont été acceptés tout d’abord, n’ont pas produit ce qu’on attendait; le vote tardif de certains autres a entraîné nécessairement une diminution de recettes proportionnée au temps perdu. Il en résulte un déficit sensible auquel il faut faire face par des ressources permanentes, puisque, si on ne le comblait pas aujourd’hui, il se reproduirait en 1874. C’est là précisément