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d’une majorité sans cesse déplacée, les manifestes et les messages qui se croisent et se succèdent comme des sommations conduisent à la nécessité d’en finir. Nous y touchons, et, comme il arrive toujours, cette souveraine nécessité éclate dans une dernière mêlée d’incidens confus, animés, presque dramatiques. La proposition de M. Casimir Perier appelle la tentative des légitimistes et de M. le comte de Chambord, et celle-ci, à son tour, provoque l’intervention de M. le maréchal de Mac-Mahon lui-même. On se lasse des ambiguïtés, des atermoiemens, des interprétations captieuses, de l’éternelle controverse sur le caractère et la durée du gouvernement, et ce que le pays demande depuis longtemps, on en vient peut-être à comprendre qu’il faut se décider à le faire, parce qu’aussi bien il n’y a plus guère moyen de reculer, parce qu’on est à bout de combinaisons évasives, parce qu’il vaut mieux constituer ce qui est possible que de se retirer en laissant l’impuissance organisée.

Il est certain que depuis quelques jours la question a fait, du chemin, et, si elle est encore loin d’être dégagée de toutes les obscurités ou de toutes les difficultés, elle est du moins entrée dans une phase nouvelle; elle se trouve jusqu’à un certain point simplifiée par les manifestations qui se succèdent, par les explications échangées entre les partis, par la disparition d’une équivoque qui pesait sur la situation tout entière. Disons le mot : le terrain est dès ce moment déblayé d’une des prétentions contraires; il y a un point à peu près éclairci et acquis. Les légitimistes se sont fait un devoir d’honneur de jouer une dernière partie; ils ont tenu à couronner par une suprême tentative la campagne qu’ils poursuivent depuis quelques mois; ils ont voulu contraindre l’assemblée à désavouer son vote du 20 novembre, ou tout au moins à déclarer qu’elle reste libre de le désavouer; ils ont voulu enfin réduire le gouvernement à se résigner au rôle d’un très humble, très obéissant et très précaire gardien d’une place vide. Les légitimistes n’ont pas réussi, ils ont perdu la partie. M. de Larochefoucauld-Bisaccia a fait sa proposition de restauration monarchique qu’il est allé développer devant la commission d’initiative, en compagnie de M. de Carayon-Latour. M. le comte de Chambord a renouvelé ses précédentes proclamations aux « Français, » pour leur dire : « Ma naissance m’a fait votre roi,... je suis prêt aujourd’hui comme hier. » M. Lucien Brun est accouru au secours du manifeste « royal, » arrêté en chemin par M. le gouverneur de Paris, et M. Ernoul à son tour est venu en aide à M. Lucien Brun dans la mêlée parlementaire. Les légitimistes, pour colorer ou pour expliquer leur dernière campagne, se sont fait un point d’honneur de prouver qu’ils avaient cru ne s’engager à rien par la loi de prorogation, qu’ils avaient reçu tout bas l’assurance qu’ils ne s’engageaient effectivement à rien, qu’ils demeureraient toujours libres de rétablir la royauté quand