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mal, à retrouver dans les écrits des médecins grecs ou romains. C’était là la part de la culture afférente à l’art médical ; mais à côté de ces jardins botaniques illustrés par les noms de Luca Ghini, d’Anguillara, de Prosper Alpin, d’André Césalpin, d’autres jardins destinés au pur agrément ornaient les résidences princières des ducs de Ferrare, des patriciens de Venise, de Rome, de Florence, de Naples et d’autres villes d€ la péninsule. Le commerce des ports italiens avec toute la Méditerranée et l’Orient favorisait singulièrement ce goût des fleurs, des fruits exotiques et des plantes d’ornement. Dès le temps des croisades, l’oranger amer et le citronnier limonier rejoignaient en Italie le cédratier, qu’y cultivaient les Romains ; plus tard, dans le cours du XVe siècle, l’oranger à fruits doux, originaire de l’Inde, était importé par les Génois en Ligurie, et les variétés de ces plantes étaient déjà si nombreuses en Italie dès la première moitié du XVIIe siècle, que le jésuite Ferrari en faisait l’objet d’un livre célèbre orné de belles gravures, et resté classique dans ce genre de publications illustrées[1]. Rien que le nom d’orangerie n’existe à cette époque dans aucune langue, la chose existait en réalité et dans des proportions considérables, témoin les serres à orangers de Farnèse à Parme, des cardinaux Xantes, Aldobrandini et Pio à Rome, toutes du XVIe siècle et par conséquent antérieures aux belles orangeries de l’électeur palatin à Heidelberg, de Louis XIII en France et du seigneur d’Hellibusi à Gand, dans les Pays-Bas. Le lilas de Perse, la cassie ou acacia de Farnèse, l’acacia qui donne la gomme arabique, le jasmin d’Arabie (nyctanthes sambac), comptent aussi parmi les arbustes d’ornement que l’Italie a fait connaître à l’Europe. Joignons-y les anémones, les renoncules, les tulipes, les tubéreuses, divers cyclamens, des colchiques, des narcisses, des iris, etc., et l’on se fera aisément l’idée des parterres de ce beau pays alors que la France en était presque aux fleurs rustiques dont les portraits encadrent sous forme d’enluminures les feuillets du livre d’heures de la reine Anne de Bretagne.

Cependant, dès la fin du XVIe siècle, mais surtout dans le cours du XVIIe le centre de l’horticulture ornementale se déplaça. Des climats heureux du midi, où le soleil colore toutes choses, ce goût délicat des fleurs passa dans les contrées brumeuses où l’homme achète à force de soins, de patience et d’art, cette parure brillante que la nature avait refusée à ses pelouses naturelles. À partir du temps d’Elisabeth, l’Angleterre eut des collections.de fleurs dont le Paradisus de Parkinson nous fait comprendre la richesse. La France, au beau temps d’Henri IV, de Sully et d’Olivier de Serres, devait à

  1. Hesperides sive de Malorum aureorum cultura et usu, etc. Romæ 1646, in-folio.