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base sur laquelle devaient reposer les transactions, on pouvait les utiliser autrement qu’en les gardant chez soi et en s’exposant à les perdre. Il parut plus simple de les déposer dans un établissement public, d’en tirer un reçu et de faire circuler ce reçu comme aurait circulé le métal lui-même. C’est ce qui a donné lieu aux banques de dépôts, à celles qui ont été établies d’abord à Venise, puis à Amsterdam, enfin à Hambourg. Il faut dire aussi qu’en dehors de la crainte de perdre les métaux précieux qu’on gardait chez soi, on avait celle de les voir altérer par les exactions des souverains qui ne se faisaient aucun scrupule, pour se procurer des ressources exceptionnelles, de diminuer le titre et le poids des monnaies. Les banques de dépôts furent donc organisées aussi pour mettre à l’abri de ce danger. Elles délivrèrent des récépissés donnant droit à une certaine quantité d’or et d’argent fin ; on stipula que les transactions seraient acquittées avec ces récépissés, et de cette façon on échappait à l’altération des monnaies. Ce fut le commencement de la circulation fiduciaire, si tant est qu’on puisse donner ce nom à un papier qui reposait encore exclusivement sur le numéraire, et qui n’avait le caractère fiduciaire que par la confiance qu’on avait dans la banque qui avait reçu les dépôts. C’était en réalité une circulation métallique, seulement on avait adopté une forme qui la rendait plus commode et moins périlleuse. Plus tard, en voyant la facilité avec laquelle circulaient les récépissés, sans que l’on en demandât le remboursement, on imagina de faire un pas de plus. Pourquoi garder en espèces métalliques dans les banques la représentation complète de tous les récépissés qui circulaient? L’expérience avait appris qu’on ne demandait jamais le remboursement de tous à la fois; il suffirait d’avoir en réserve de quoi faire face aux demandes qui pouvaient se présenter, le reste servirait à d’autres emplois qui profiteraient à la société. C’est sur cette idée que fut établie la Banque d’Angleterre en 1694, et ce fut la véritable origine des billets au porteur tels que nous les connaissons aujourd’hui. La Banque d’Angleterre fut autorisée à émettre des billets à la condition de les rembourser toujours à vue et en espèces; mais, comme elle n’avait pas une réserve métallique équivalente, la plupart de ces billets n’eurent pas d’autre garantie que le capital social qu’elle possédait et qu’elle avait prêté à l’état.

Les principes sur lesquels doit reposer la circulation fiduciaire ont été parfaitement établis par Adam Smith ; il a dit : « La masse totale du papier-monnaie qui peut circuler sans inconvénient dans un pays ne doit jamais excéder la valeur de la monnaie d’or et d’argent dont ce papier tient la place et qui y circulerait, le commerce étant toujours supposé le même, s’il n’y avait pas de papier-monnaie. » Le papier-monnaie est en effet le suppléant du numéraire,