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en échange de valeurs commerciales sérieuses à brève échéance, il est soutenu par le besoin qu’on en a, et ne doit pas perdre de son prix. C’est le langage qu’on a tenu notamment à toutes les époques de crise, quand on a proposé d’augmenter les émissions de la Banque de France; mais personne, excepté les partisans absolus du papier-monnaie, n’aurait voulu soutenir qu’on pouvait créer des billets aussi en très grande quantité en représentation d’une dette de l’état, laquelle dette n’est recouvrable que dans un certain espace de temps. C’est cependant ce qui a eu lieu. Dans les 2 milliards 1/2 de billets qui circulent encore aujourd’hui, il y en a pour près de 1 milliard qui sont la contre-partie de la dette de l’état. Le public n’y fait plus attention, il accorde sa confiance quand même.

A côté de cela pourtant il y a une autre opinion tout opposée qui commence à se faire jour dans quelques pays, et qui a trouvé de l’écho jusque chez nous : elle conteste en principe l’utilité de la circulation fiduciaire, même lorsqu’elle est appuyée sur une encaisse métallique qui est considérée comme suffisante. Elle prétend que le surplus de cette circulation qui n’est pas couvert par du numéraire et ne peut pas être remboursé à tout moment est de la fausse monnaie, c’est-à-dire un instrument d’échange des plus dangereux, qui altère les rapports commerciaux, change les prix et prépare des catastrophes. Elle veut bien reconnaître que le billet au porteur a sa raison d’être et peut rendre des services, mais c’est à la condition qu’il ait une encaisse métallique correspondante et ne la dépasse jamais. En un mot, elle propose d’en revenir aux banques de dépôts, comme étaient autrefois celles d’Amsterdam et de Hambourg. Là paraît être, selon elle, je ne dirai pas le progrès, car il s’agit de retourner en arrière, mais la vérité en fait de circulation fiduciaire. Je voudrais dans ce travail, au milieu de toutes ces théories, chercher ce qu’est le billet au porteur et ce qu’on peut en attendre dans l’avenir, montrer enfin ce que vaut l’exemple donné par la France.


I.

Il n’est pas nécessaire d’insister longuement sur les raisons qui ont fait adopter certains métaux comme instrumens d’échange. Il fallait que ces instrumens fussent faciles à transporter, suffisamment ductiles et malléables pour être taillés à la mesure qu’on voudrait et recevoir toutes les empreintes ; ils devaient de plus ne pas être trop susceptibles de s’altérer à l’air, et enfin offrir assez de résistance pour ne pas s’user facilement. L’or et l’argent possédaient toutes ces qualités, ils se sont imposés par cela même. Plus tard, à mesure que la civilisation s’est avancée, on s’est aperçu que, si l’or et l’argent étaient les véritables instrumens d’échange, la