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Boyer comme indispensables n’ayant été réalisée, « il était impossible au roi de se prêter à des négociations dont sa majesté seule aurait à faire accepter les résultats à la nation française. » Le chancelier ajoutait qu’il n’entrevoyait plus « aucune chance d’arriver à un résultat par des négociations politiques. »

Tout s’évanouissait. Il n’y avait plus désormais qu’à se rendre à merci ou à combattre une dernière fois. Combattre, c’était sans doute le rêve de quelques esprits généreux dans la population de Metz comme dans l’armée. Il y eut même une sorte de conspiration à laquelle s’associaient un certain nombre d’officiers, un comité de la défense à outrance. On voulait déposer quelques-uns des généraux, enlever le commandement en chef au maréchal Bazaine, et on fit des tentatives auprès de quelques chefs militaires. Parmi les généraux, il y en avait certainement qui brûlaient de se jeter sur l’ennemi, quoi qu’il dût arriver ; mais cette révolte de l’instinct militaire et patriotique venait se briser contre l’implacable réalité. On n’avait plus ni chevaux ni moyens de se servir de l’artillerie. Les hommes, — ils étaient plus de 100,000 combattans encore ! — n’avaient plus la force nécessaire pour une telle entreprise. Le moment était passé, on ne pouvait que courir à un affreux désastre. Alors on se décidait à une démarche directe auprès du prince Frédéric-Charles, et c’est le vieux général Changarnier qui allait d’abord en plénipotentiaire de l’armée. Son âge, son vieux renom militaire, son dévoûment, devaient inspirer du respect au vainqueur. Le général Changarnier devait demander ou la neutralisation de l’armée, ou son internement sur un point désigné du territoire français, ou en fin de compte l’envoi des troupes de Metz en Afrique. Tout fut inutile. Courtois, respectueux pour le vieux soldat, mais inflexible, le prince Frédéric-Charles écartait toutes ces conditions, et il évitait même de préciser les termes de la capitulation qui serait infligée. Vainement le général Changarnier laissait entrevoir la possibilité d’une tentative désespérée, le prince s’arrêtait peu à cette menace. Il laissait entendre qu’il n’ignorait rien de la situation extrême de l’armée de Metz, qu’il avait fait préparer des vivres, et qu’il venait de donner l’ordre à son chef d’état-major, le général de Stiehle, de se tenir aux avant-postes, au château de Frescaty, pour recevoir nos communications.

Dès lors, si l’on ne voulait pas s’ensevelir sous les ruines d’une ville assiégée ou jouer le sort de l’armée dans un combat sans espoir, il ne restait plus qu’à prendre le chemin de Frescaty pour connaître les conditions du vainqueur. Ce fut le général de Cissey qui eut cette seconde et triste mission. Ces conditions étaient trop faciles à prévoir. M. de Bismarck ne les avait pas laissé ignorer au