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question militaire et la question politique seraient tranchées du même coup. En un mot, ce que demandait le chancelier allemand pour nous épargner une capitulation nouvelle, c’était tout simplement un blanc-seing de la régente pour la paix qu’on lui dicterait, et une sorte de pronuciamiento de l’armée de Metz pour la souveraine exilée et pour cette paix inconnue. « À ces conditions-là, disait-il, vous partirez avec les honneurs de la guerre, emmenant votre matériel, vos canons, vos drapeaux, la place de Metz restant libre et maîtresse de se défendre avec ses propres moyens. » M. de Bismarck parlait-il sérieusement ? voulait-il tenter de se servir d’une malheureuse armée qui allait être vaincue par la famine ? Le général Boyer n’avait évidemment rien à conclure dans ces conditions qui impliquaient l’intervention de l’impératrice et des chefs de l’armée. Il ne pouvait que repartir pour Metz, toujours escorté et séquestré, emportant les propositions de M. de Bismarck, avec quelques journaux et ce qu’il avait pu recueillir dans ses conversations avec le chancelier. Le général Boyer, gardé à vue, prisonnier à Versailles, n’avait pu communiquer avec personne ; en réalité, il ne l’essayait même pas, et tout ce qu’il savait de la France se réduisait à ce que M. de Bismarck avait voulu lui en laisser voir en lui représentant un pays livré à un gouvernement d’énergumènes, la révolution déchaînée partout sous le drapeau rouge, les forces de la Loire vaincues et dispersées avant d’être formées, les plus grandes villes réduites à demander des garnisons prussiennes !

Voilà le triste bulletin que le général Boyer portait avec lui en rentrant à Metz le 17, et c’est ainsi que le 18 octobre, dans un nouveau conseil de guerre, on se retrouvait en face de la redoutable question agitée à la première conférence du 10, mais singulièrement aggravée, ou pour mieux dire complètement transformée. Fallait-il continuer à négocier dans ces conditions ? Les esprits, douloureusement émus des nouvelles que le général Boyer donnait de la France, restaient visiblement anxieux, consternés et partagés. Les uns, le plus petit nombre, n’admettaient pas qu’on dût aller plus loin, ils étaient d’avis que, puisqu’on n’avait pas pu obtenir la « convention militaire » qu’on demandait, il n’y avait plus qu’à en appeler aux armes et à tenter de se frayer un chemin à travers les lignes ennemies ; ils ne croyaient pas au succès, ils subissaient ce qu’ils considéraient comme une nécessité suprême de l’honneur militaire. Les autres, sans prétendre rien décider, sans vouloir sortir de leur rôle militaire, semblaient se rattacher à ce dernier espoir d’une paix possible, d’une intervention utile de l’impératrice-régente. C’était, il est vrai, une résolution des plus graves, des plus délicates dans les circonstances où se trouvait le pays : on ne connaissait ces