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leur avouait pas ses pourparlers secrets, ses insinuations, ses tentatives pour obtenir précisément ce qu’il appelait « une capitulation avec les honneurs de la guerre. » S’il leur avait dit ce qu’il savait, ce qu’il pouvait bien aisément présumer des intentions de l’ennemi, il ne leur eût pas laissé des illusions, il eût peut-être provoqué dès ce moment de leur part quelque résolution d’héroïque désespoir, ce que le maréchal Lebœuf appelait une « folie glorieuse. » Que ces vaillans hommes, qui venaient de combattre la veille et qui étaient certainement prêts à combattre encore, s’il le fallait, n’eussent d’autre pensée que celle d’une « convention militaire honorable et acceptable, » ce n’est point douteux ; mais comment l’entendait le maréchal Bazaine ? La « convention militaire » n’était pour lui que l’apparence ou le prétexte. En réalité, les instructions qu’il remettait au négociateur envoyé à Versailles, au général Boyer, ces instructions étaient toutes politiques. Elles partaient de ce point, que « la question militaire était jugée » par la victoire des armées allemandes ; elles invoquaient l’intérêt qu’avait l’Allemagne elle-même à ne point dissoudre « la seule force qui puisse aujourd’hui maîtriser l’anarchie dans notre malheureux pays… » L’armée de Metz, c’était « le palladium de la société. » Si on la laissait toute constituée, « elle rétablirait l’ordre et protégerait la société, dont les intérêts sont communs avec ceux de l’Europe. Elle donnerait à la Prusse, par cette même action, une garantie des gages qu’elle pourrait avoir à réclamer dans le présent… » En d’autres termes, à cette extrémité comme au premier moment, c’était toujours la même question : les préoccupations politiques, selon le mot de M. le duc d’Aumale, dominaient chez Bazaine les devoirs du soldat.

C’est le 12 octobre que le général Boyer partait pour le quartier-général du roi de Prusse entre deux officiers du prince Frédéric-Charles, soigneusement séquestré pendant la route, comme à son arrivée à Versailles, et dès son premier entretien avec M. de Bismarck il savait à quoi s’en tenir. La seule « convention militaire » que l’armée de Metz pût espérer était la capitulation infligée à l’armée de Sedan. L’état-major allemand connaissait trop bien la situation de notre malheureuse « armée du Rhin » pour s’inquiéter des quelques jours d’existence qui lui restaient ou pour redouter son désespoir. S’il ne s’agissait que d’une simple « convention militaire, » cela regardait M. de Moltke, l’inflexible de Moltke ; mais M. de Bismarck pouvait faire valoir des considérations politiques, l’intérêt de la paix, d’une paix désirable après tout pour l’Allemagne comme pour la France. Que l’impératrice consentît à signer cette paix aux conditions qu’on lui ferait, que l’armée de Metz s’engageât à soutenir l’impératrice régente, qu’elle se déclarât dès ce moment, la