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ces malheureuses lenteurs ? L’ennemi ne pouvait certes s’y tromper. Pas la moindre démonstration n’attirait ses regards sur d’autres points. Depuis le matin, il assistait de loin au déploiement de nos forces, il voyait défiler nos divisions, il pouvait compter jusqu’à nos canons. Il y avait sur notre front la division Kummer faisant face à Canrobert, le Ier corps de Manteuffel à Poix, à Servigny, à Noisseville, à Retonfay devant le maréchal Lebœuf, — la division de landwehr de Senden à Sainte-Barbe, une nombreuse artillerie toute prête. Dès la matinée, à mesure que nos mouvemens se dessinaient, le prince Frédéric-Charles, qui était au haut du Horimont, sur la rive gauche de la Moselle, avait donné l’ordre de faire passer sur la rive droite, au-dessous de Metz, le Xe corps, la division hessoise du IXe corps. Au-dessus de Metz, le VIIe corps avait mission de se rapprocher du général Manteuffel ; d’autres forces devaient se tenir prêtes à marcher.

Au premier moment, il est bien certain que les Prussiens, qui ne comptaient pas plus de 50,000 hommes, auraient pu être culbutés par un effort vigoureux et bien conduit. On attendait toujours cependant. Le maréchal Bazaine était arrivé vers une heure en avant de Grimont, dans une petite maison où il appelait ses lieutenans pour leur communiquer les dépêches de Mac-Mahon. C’est là que les chefs de corps apprenaient la vraie raison de la bataille qui se préparait et recevaient leurs dernières instructions. Lebœuf devait engager l’action par la droite, pour être bientôt suivi par Ladmirault au centre, par Canrobert sur la gauche. Tout était entendu, pourquoi tardait-on encore ? Bazaine se tenait sur la route de Sainte-Barbe faisant établir des batteries. Par une distraction singulière, il avait oublié que le signal de l’attaque devait être donné par un coup de canon parti sur son ordre du fort Saint-Julien. À quatre heures seulement, ce coup de canon retentissait enfin, répondant à l’impatience de l’armée.

Dès lors s’ouvrait la lutte, d’abord du côté du 3e corps, qui depuis huit heures du matin attendait sur le terrain ce signal si lent à venir. Le maréchal Lebœuf lançait ses soldats, commençant par pousser vivement l’ennemi devant lui, le délogeant de Montoy, de Flanville, de Coincy, et faisant assurer sa droite par des troupes du 2e corps, tandis qu’il portait les divisions Metman et Montaudon sur Nouilly et sur Noisseville. Nouilly cédait au premier effort des bataillons de Metman. Devant Noisseville, où les Prussiens étaient fortement retranchés, le combat s’animait ; la brigade Clinchant ne laissait pas de rencontrer une résistance sérieuse, lorsque le vieux général Changarnier, qui était accouru à Metz au bruit de nos premiers malheurs, et qui suivait en volontaire le 3e corps, faisait battre