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elle une armée de 50,000 hommes, une artillerie considérable. La capitulation du 28 septembre rendait la liberté à cette armée en laissant l’ennemi désormais seul maître de l’espace. C’est le Moniteur prussien qui le disait, la chute de Strasbourg, de Toul, permettait aux Allemands de conduire leur matériel de siège devant Paris et de porter des forces à travers les Vosges jusque sur la Saône.


II

Pendant ce temps, que se passait-il à Metz ? Ah ! ici la question s’agitait dans de bien autres proportions. A Strasbourg, c’était une ville assiégée, défendue par une garnison d’aventure, fatalement promise à la reddition. A Metz, ce n’était pas seulement la citadelle de la Lorraine investie, c’était toute une armée rejetée dès les premiers combats sous les murs d’une ville, contenue au moment où une autre armée allait expirer à Sedan, définitivement cernée, bloquée elle-même pendant que l’invasion se déchaînait sur la France. Ici les événemens ressemblent à un drame militaire et politique noué par l’imprévoyance impériale, compliqué par les calculs inavoués d’un commandement équivoque, conduit jusqu’au bout, jusqu’au dénoûment sinistre, à travers des péripéties dont le dernier mot a été dit par un conseil de guerre.

L’armée qui venait de tenir tête à l’ennemi dans trois affaires sanglantes, mais surtout dans les deux grandes journées de Rezonville et de Saint-Privat, le 16 et le 18 août, cette armée aurait-elle pu se frayer un chemin, se replier sur l’intérieur de la France ? Elle l’aurait pu sans doute le 16, le jour de Rezonville, à force d’audace, avec plus de décision dans le commandement et plus d’ensemble dans les opérations, en gagnant de vitesse l’ennemi qui arrivait à pas pressés devant elle et en acceptant toujours bien entendu la chance de recommencer la lutte dès le lendemain. Elle ne le pouvait plus le 18 au soir après avoir soutenu pendant cette journée nouvelle le choc de plus de 200,000 Allemands au sud de Metz, sur cette ligne d’Amanvilliers à l’extrémité de laquelle Canrobert s’était battu à Saint-Privat obstinément, héroïquement, sans secours et malheureusement sans succès. Débordée, menacée dans ses lignes, elle n’avait plus qu’à se replier tout à fait en arrière sous la protection des forts de Saint-Quentin et de Plappeville, dans des positions décrivant une sorte de demi-cercle de la Moselle à l’ouest de la place, du village de Longeville au château du Sansonnet et à Woippy. Ainsi Bazaine s’était battu le 14, sur la rive droite de la Moselle, à Borny, pour couvrir le mouvement de retraite qu’il était censé préparer par les plateaux de la rive gauche vers la Meuse. Le 16, sans avoir été vaincu, sans avoir été entamé dans ses positions, il avait