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éclatantes du passé. Le 29 juin, quatre jours après, quand le public apprit que sir Robert Peel devait se rendre au parlement pour y prononcer son discours d’adieu, tous les abords de sa résidence, tout le parcours de Whitehall à Westminster, furent encombrés d’une sympathique affluence de toutes les classes, qui ne cessa de l’accueillir avec les plus bruyans applaudissemens. C’est ainsi qu’il entra dans la chambre des communes pour y prononcer un de ses discours les plus fiers et les plus accomplis. Durant deux heures, il tint l’assemblée fascinée par sa parole, tandis qu’il rappelait, avec autant de modestie que d’autorité, les principaux actes et la pensée dominante de son administration, s’appliquant surtout à rendre à lord Aberdeen comme à ses divers collègues un hommage des plus mérités. « J’ai présenté à la chambre, dit-il en terminant, les observations que mon devoir me commandait de lui adresser. Je la remercie de la faveur avec laquelle elle a bien voulu m’écouter durant cet acte suprême de ma carrière officielle. Dans quelques heures probablement, le pouvoir que j’ai exercé pendant cinq ans aura passé dans d’autres mains, sans regret et sans récrimination de ma part, avec un souvenir bien plus vif de la confiance et de l’appui que j’ai obtenus durant de longues années que de l’opposition que j’ai rencontrée en dernier lieu. Je laisserai, en déposant ce pouvoir, un nom sévèrement blâmé, je le crains, par beaucoup d’entre vous qui, sans le moindre intérêt personnel, uniquement en vue du bien public, déplorent amèrement la rupture de nos liens du passé, convaincus que le maintien de nos grands partis parlementaires et la fidélité aux engagemens qu’il implique sont des moyens de gouvernement puissans et essentiels. Je serai non moins vivement censuré par d’autres qui, également sans visées personnelles, adhèrent au principe de la protection, le considérant comme nécessaire à la prospérité générale du pays. Je laisserai un nom détesté des partisans du monopole, qui, par des motifs moins élevés, réclament la protection dont ils profitent. Peut-être d’autre part ce nom sera-t-il par momens prononcé avec bienveillance parmi ceux dont la destinée dans ce monde est le travail et qui gagnent à la sueur de leur front leur pain quotidien. Parfois ceux-ci se souviendront-ils de moi quand ils répareront leurs forces avec une nourriture plus abondante, désormais affranchie de tout impôt et d’autant plus douce pour eux qu’aucun sentiment d’injustice n’y mêlera plus son amertume. »

Quand les longs applaudissemens qui éclatèrent de toutes parts cessèrent à la fin, lord Palmerston et M. Hume, au nom des deux grandes fractions libérales, prononcèrent chacun quelques paroles fort courtoises, et la séance fut terminée. Averti qu’une foule toujours grossissante l’attendait auprès de la sortie principale, sir