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nom de stampede donné à ces paniques de chevaux fut pendant la guerre civile appliqué au trouble qui entraînait trop souvent dans une fuite désordonnée des troupes mal aguerries.

Mais ces surprises étaient rares avec des officiers habitués à la tactique du désert; à la ruse, ils opposaient la vigilance, à l’agilité la ténacité, enfin aux Indiens ennemis les Indiens amis. Ceux-ci accompagnaient la colonne comme guides et souvent comme éclaireurs, combattant d’une façon à demi civilisée, maniant habilement la carabine, mais prenant furtivement le scalp des vaincus, s’ils pouvaient échapper aux regards de leurs alliés. Enfin, tandis qu’ils découvraient avec l’instinct du chien de chasse la cachette où la tribu ennemie avait déposé ses provisions d’hiver, la cavalerie américaine rivalisait d’adresse avec eux, et réussissait parfois à son tour à enlever par un heureux coup de main les troupeaux de chevaux à demi sauvages que les chefs indiens gardent toujours en réserve pour remonter leurs guerriers. Dans l’une des dernières expéditions faites avant la guerre civile, en 1858, une colonne partie du fort Vancouver sur le Pacifique, après avoir dispersé la tribu des Pelouses, lui enleva ainsi ses chevaux. Les Indiens, connaissant le naturel indomptable de ces animaux et pleins de confiance dans leur propre adresse, comptaient les dérober par une stampede à leurs nouveaux maîtres et s’en servir dans peu de jours pour recommencer la guerre. Aussi, lorsque le lendemain, observant le camp américain avec une longue-vue enlevée à un officier tué l’année précédente, ils virent le sol jonché des 770 cadavres de leurs coursiers, ils furent saisis d’un tel découragement qu’ils s’avouèrent vaincus. Le commandant de l’expédition, devinant le projet des Indiens, avait réuni un conseil de guerre, et non sans regrets, car des hommes qui ont longtemps vécu dans le désert ne savent pas être cruels pour les animaux, le conseil avait condamné les pauvres bêtes à être fusillées. Malgré toutes ces surprises, l’Indien et le blanc finissaient presque toujours par mesurer leurs forces dans une lutte ouverte et décisive, car, si le premier avait accepté la guerre, c’est qu’il se croyait sûr de vaincre, et, dès qu’il voyait ses stratagèmes déjoués par son ennemi, cette confiance l’entraînait à tenter une attaque de vive force. Presque toujours alors le froid courage du blanc, sa discipline et la supériorité de ses armes lui assuraient le succès ; mais il ne l’obtenait souvent qu’après un combat long et sanglant.

Les différentes armes eurent chacune leur part des fatigues et des dangers de ces guerres incessantes : elles y conservèrent leur activité, leurs traditions militaires, et acquirent une nouvelle expérience. La tâche du fantassin était la plus rude. Les belles rivières qui sillonnent la prairie sont séparées par des espaces de 10 à 12 lieues