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la réparation que l’Angleterre était en droit de réclamer. Le ministère, les deux chambres, l’opinion, la presse en France, furent unanimes pour considérer ces paroles comme excessives, prématurées, et les deux nations se trouvèrent ainsi face à face, l’une pour revendiquer, l’autre pour refuser la satisfaction ainsi exigée.

Il m’avait été facile de pressentir, dès que j’eus connaissance de la réponse du premier ministre à l’interpellation de sir Charles Napier, qu’elle exercerait une influence très fâcheuse sur une question déjà suffisamment périlleuse. Je m’en ouvris sur-le-champ au secrétaire d’état, qui, dans une certaine mesure, partageait mon regret, et, comme nous trouvâmes que les différentes versions des journaux du matin ne concordaient point absolument, je me crus autorisé à écrire sur-le-champ à M. Guizot qu’aucune ne devait être considérée comme authentique. Le premier effet à Paris put être ainsi sensiblement atténué. Il n’existe, comme on le sait, aucune sténographie officielle des débats du parlement anglais. Les principales feuilles publiques rivalisent de frais et d’efforts pour les reproduire correctement; leurs comptes-rendus font foi, dans le moment, en raison des soins notoires qu’ils leur coûtent, — ceux du Times par exemple sont prodigieux, — et en définitive le recueil du libraire Hansard, très laborieusement compilé, devient pour l’histoire l’autorité accréditée. Nous ne trouvâmes point sir Robert Peel, dans cette circonstance, aussi disposé que nous l’avions espéré à se prévaloir de ces versions divergentes pour amortir l’effet de ses paroles. Ce fut au contraire lord Aberdeen qui fut entraîné plutôt à se rallier à son chef, et nous dûmes agir en conséquence dans le cours de la négociation. Les deux lettres suivantes des deux ministres sur cet incident offriront peut-être quelque intérêt comme indices de leur tendance respective.


(Traduction.) « Saint-Leonards, le 25 août 1844.

« Mon cher Jarnac, je me réjouis de penser que la conduite de M. Bruat ait apporté une grande facilité pour la solution de l’affaire de Taïti. Quelle qu’ait été la difficulté de prononcer, dans le principe, une censure de M. d’Aubigny, elle disparaîtra maintenant qu’il s’agira simplement de confirmer le jugement de votre propre officier.

« J’ai reçu aujourd’hui le billet ci-inclus de sir Robert Peel, avec lequel j’avais fait allusion à la version inexacte de son discours. À ce qu’il paraît, bien que le Times ait été très incorrect, il considère le compte-rendu du Chronicle comme exact en substance. Ceci d’ailleurs, il vous l’avait déjà communiqué il y a quelques jours; mais, après tout, l’expression qui paraît avoir excité la plus grande sensation a été correctement reproduite dans toutes les versions différentes. Sous d’autres