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éminens avait créés pour les deux pays. En dépit de l’opposition passionnée qu’elle a soulevée, l’œuvre de M. Guizot et de lord Aberdeen devait survivre longtemps à leur pouvoir. Aujourd’hui encore, après plus de trente ans, les deux nations peuvent se féliciter également de l’habitude prise alors, pour la première fois dans leur histoire, de vivre dans des relations de confiance et de bienveillance réciproque.

La plus ancienne des lettres de sir Robert Peel que je retrouve se rattache au plus douloureux des souvenirs. Pendant que je gérais (en 1842) les affaires de l’ambassade, l’héritier de la couronne constitutionnelle, le duc d’Orléans, nous fut enlevé subitement par l’accident le plus tragique et le plus inconcevable :

Dulces et infaustos populi Romani amores!


En Angleterre aussi, la consternation et la sympathie furent universelles. A l’exemple de la cour, la société entière prit le deuil et durant quelques jours des témoignages individuels de condoléance ne cessèrent de parvenir à l’ambassade. Ceux des deux grands chefs conservateurs furent parmi les plus empressés. Je reproduis ici leurs deux lettres écrites en toute hâte au milieu de la nuit; mais celle de sir Robert Peel offre en cette occasion moins d’intérêt que celle du duc de Wellington.


(Traduction.) « Whitehall, nuit de jeudi, deux heures du matin.

« Mon cher comte de Chabot, je reçois avec la plus profonde douleur, à mon retour de la chambre des communes, la confirmation de cette déplorable rumeur dont j’espérais ardemment que l’origine remontait aux spéculateurs dans les fonds publics.

« J’éprouve une vive condoléance pour le roi des Français et la famille affligée du duc d’Orléans qui leur est enlevé ainsi qu’à son pays par la cruelle calamité qui vient d’avoir lieu.

« Croyez-moi, mon cher comte de Chabot, très sincèrement à vous,

« ROBERT PEEL. »


(Texte original.) « A Londres, ce 14 juillet, à la nuit.

« Monsieur le comte, j’avais reçu ce matin la nouvelle du malheur qui est arrivé hier à Paris, dont vous m’avez fait l’honneur de m’envoyer le récit, et je vous assure que j’en ai ressenti les conséquences pour sa majesté et son auguste famille, non-seulement dans ses affections et son bonheur domestique, mais dans la position politique en laquelle l’univers entier est intéressé. Quelques années se sont passées depuis que j’ai eu l’honneur de voir et de connaître le prince que nous avons perdu. — Il avait accompagné le roi, son père, alors duc d’Orléans, lui