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seul, hors de cette chapelle, et le voilà qui touche au lieu même de l’exécution.

Au château s’adosse l’église métropolitaine, Notre-Dame-des-Doms : édifice lourd, grossier, inachevé, et qui passe pour remonter à Charlemagne. Au dedans est la sépulture de Jean XXII ; à Saint-Agricol, Mignard repose ; Saint-Pierre a sa façade, hélas ! en bien mauvais état, et ses admirables portes en bois sculpté. Les églises ne manquent pas dans Avignon. Placez-vous sur le rocher des Doms, et vous en découvrirez une collection complète et choisie. De ce point, la vue est magnifique, surtout du côté qui regarde le nord, car au sud la métropole et le palais masquent l’horizon. Au pied de la hauteur s’étend un bras du Rhône, qui de l’autre (le principal) caresse les murailles de Villeneuve, dont la tour croulante, — une ancienne abbaye, — forme au palais des papes un pendant architectural des plus pittoresques. À deux ou trois lieues de distance, une chaîne de collines clôt la perspective ; un peu à droite, la ligne décrit une courbe qui permet à l’œil de plonger un moment encore dans la vallée du Rhône, puis soudain les remparts se redressent, et c’est tout. À l’est, les Alpes provençales vous montrent leur poste avancé, le Ventoux, une sorte de Rhigi modéré, mais qui n’en mesure pas moins ses 6,000 pieds d’altitude, et jusque vers la fin de mai conserve son manteau de neige. Au sud, la vue se repose sur une chaîne de montagnes qui longent le cours du Rhône, et forment comme une citadelle ayant pour fossé la Durance. Partout de larges horizons, un pays riant et splendide ; l’unique endroit d’aspect ingrat est celui qui vous sert de poste d’observation, ce roc effrité que votre pied foule, et dont on a, sans trop y réussir, essayé d’aplanir les gibbosités pour la promenade. Au point culminant de ce rocher s’élève une croix regardant la ville, et devant cette croix, à quelques centaines de pas, le château, colossal fantome d’où pendant soixante-dix ans la papauté régna libre et tranquille sur le monde spirituel.

Aujourd’hui encore Avignon semble avoir conservé cet air de capitale des états du pape, et ce n’est certes pas moi qui m’en plaindrai, car la charmante cité méridionale gagne à cette physionomie, à cette couleur, son individualité si pittoresque. N’a pas qui veut son histoire, Avignon place la sienne au moyen âge et s’y tient. Pénitens blancs, pénitens noirs, gris et bleus, de toutes les nuances, confréries et congrégations qui d’ailleurs ont leur raison d’être et font le bien. Vous vous sentez en pays de Rome ; les bonnes femmes vous disent : « Nous sommes du pape, sian d’ou papou, » ce qui à la vérité n’empêche pas leurs maris et leurs frères d’être de la république radicale. L’homme d’église occupe le haut pavé, les cha-