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valu à ce vieux et fidèle serviteur de la monarchie constitutionnelle des injures encore plus ridicules qu’odieuses. Ce sera la république comme on la fera, présidée par M. le maréchal de Mac-Mahon, organisée par des conservateurs, gouvernée par des conservateurs, réservant les droits de la souveraineté nationale. Puis enfin, c’est évidemment la seule chose possible aujourd’hui, et le rôle du centre droit peut être d’autant plus sérieux, d’autant plus efficace, qu’il aura accepté plus résolument la situation qui lui est faite. Que proposera la commission des trente après avoir mis de côté tous les projets qui lui ont été renvoyés, celui de M. Lambert de Sainte-Croix aussi bien que celui de M. Casimir Perier ? On ne le sait pas encore. Il y a un fait certain : la droite repoussera tout ce qui serait une organisation sérieuse du gouvernement. Le centre gauche ne pourrait voter ce qui ne serait qu’une organisation toute personnelle des pouvoirs de M. le président de la république, et la majorité manquerait d’un côté comme de l’autre. Ce serait l’impuissance avouée, déclarée. Or, après cet aveu d’impuissance, que resterait-il à faire ? La réponse vient toute seule, elle ne serait ni digne d’une grande assemblée ni rassurante pour le pays.

L’Italie, après les grandes crises qu’elle a traversées et dont elle a triomphé, a l’avantage de trouver la sécurité et le repos dans la pratique des institutions les plus libérales en restant fidèle à l’esprit qui l’a conduite au succès. Ce n’est pas qu’elle n’ait parfois, elle aussi, ses incidens, ses luttes de partis, ses imbroglios parlementaires, ses secousses ministérielles ; mais ce ne sont là, somme toute, que les émotions sans profondeur d’une vie publique organisée, fixée, où les accidens de tous les jours laissent le pays assez tranquille et n’affectent pas sensiblement une certaine direction générale de la politique. C’est à peu près l’histoire de ce qui vient de se passer aux derniers jours de la session entre le parlement et le ministère. Il y a eu un moment de confusion, une apparence de crise ministérielle, et tout a fini par une prorogation du parlement, qui laisse peut-être entrevoir une dissolution.

La plus grosse affaire pour l’Italie est toujours la question financière. Les cabinets ont beau se succéder, ils retrouvent inévitablement le déficit devant eux ; ils se transmettent invariablement ce maussade et dangereux héritage. La difficulté est de triompher de ce déficit obstiné, de mettre l’équilibre dans le budget sans voter des impôts dont personne ne veut, sans diminuer les dépenses militaires, que tout le monde voudrait plutôt augmenter, et sans négliger les travaux de toute sorte que chaque député réclame naturellement pour sa province. Le secret pour concilier tout cela n’a pas été découvert jusqu’ici. On n’a pas trouvé le moyen de contenter les Napolitains, qui se montrent particulièrement ingénieux dans cet art de provoquer des dépenses pour leurs ports, et de refuser les ressources qu’on leur demande. C’est pour avoir voulu proposer de nouveaux impôts que le ministère Minghetti a failli dispa-