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bien des mois dans les faits, dans les intérêts qui souffrent, dans le travail qui se ralentit, dans les entreprises qui se découragent, jusque dans les travaux de l’assemblée, qui se ressentent visiblement de la préoccupation universelle, si bien qu’une heure arrive où la question éclate pour ainsi dire par la force des choses. C’est la plus véridique histoire de nos affaires du moment.

Elle est donc sortie du fond même de la situation, cette question inévitable d’un régime public, elle s’est précisée l’autre jour devant l’assemblée sous ses traits principaux dans cette séance du 15 juin qui n’a été qu’un premier engagement avant la grande lutte. C’est le centre gauche qui a donné le signal. M. Casimir Perier a proposé l’organisation de la république selon les projets Dufaure, avec la présidence de M. le maréchal de Mac-Mahon telle que l’a instituée la loi du 20 novembre 1873, avec les deux chambres et la réserve de la souveraineté nationale s’exerçant par voie de révision dans sept ans. Le centre droit, ou, pour mieux dire, un membre du centre droit a suivi. M. Lambert de Sainte-Croix a proposé l’organisation des pouvoirs du maréchal avec le titre de président de la république, toujours avec les deux chambres, et avec le droit pour ces deux chambres réunies en congrès de régler au besoin la transmission de l’autorité exécutive. À son tour, M. de Larochefoucauld-Bisaccia s’est piqué d’honneur, et a voulu conduire son drapeau à la bataille. En sa qualité d’ambassadeur de la république française à Londres, il s’est trouvé tout juste à Versailles ce jour-là pour proposer à l’impromptu le rétablissement de la monarchie avec « le chef de la maison de France » pour roi, et le maréchal de Mac-Mahon comme « lieutenant-général du royaume. » Pour le dire en passant, M. le duc de Bisaccia, qui s’est fort signalé par ses fêtes en Angleterre, aurait dû tout au moins donner sa démission avant de se séparer du gouvernement qu’il représente encore et du chef de l’état dont il tient ses fonctions. Quoi qu’il en soit, les trois motions ont eu des fortunes diverses. La proposition de M. Casimir Perier a obtenu d’être renvoyée à la commission des lois constitutionnelles avec le bénéfice d’une déclaration d’urgence. La proposition de M. Lambert de Sainte-Croix a eu le renvoi à la même commission sans l’urgence. La proposition de M. le duc de Bisaccia n’a eu ni l’urgence ni le renvoi à la commission des trente. Elle a été modestement remise à une commission ordinaire d’initiative chargée d’en avoir tous les soins possibles. En d’autres termes, il est bien clair que la royauté de M. de Larochefoucauld a essuyé un premier échec.

Que sortira-t-il maintenant de tout cela ? Il n’est point douteux que la commission des trente peut mettre dans l’examen d’une motion d’urgence la prudente lenteur qu’elle met dans tous ses travaux depuis plus de six mois. Il est bien certain qu’elle peut repousser les combinaisons de M. Casimir Perier, ou présenter d’autres projets, comme elle est en