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lance d’une des premières marines du monde attestent cette impuissance actuelle des flottes de blocus. Les effets désastreux qu’eut pour le commerce des États-Unis la menace suspendue sur chacun de leurs navires marchands par l’impunité des corsaires confédérés, la violation des règles les plus claires, les mieux consacrées du droit international, devant laquelle n’hésitèrent pas les commandans des croiseurs fédéraux pour capturer quelques-uns de leurs adversaires, suffiraient pour établir et l’impuissance d’une marine maîtresse de la mer à protéger le commerce national, et la gravité des risques auxquels cette impuissance livre aujourd’hui un des élémens les plus essentiels de la richesse, de la prospérité des nations modernes. Néanmoins peut-être convient-il d’insister et de rappeler d’autres faits qui, plus récens et nous touchant directement, pèseront d’un plus grand poids sur les esprits qu’ont pu égarer certaines critiques, que l’ignorance seule fait excuser, contre nos escadres pendant la dernière guerre.

On sait quelle fut, au début de cette guerre, l’attitude des deux marines que la déclaration des hostilités mettait en présence. Tandis que notre escadre de la Méditerranée prolongeait sa croisière dans ces parages, et, surveillant le détroit de Gibraltar, protégeait contre une attaque possible des croiseurs ennemis les navires de transport affectés au rapatriement d’une partie de l’armée d’Afrique, une escadre nouvelle s’armait dans nos ports de la Manche avec une rapidité merveilleuse, et en quelques jours apparaissait sur les rivages de la Baltique et de la Mer du Nord. L’escadre prussienne, elle, désertant l’Océan, se hâtait vers ses ports de refuge, et, s’y renfermant pour toute la durée de la guerre, recourait pour sa propre défense, pour celle des arsenaux, que ses canons ne couvraient qu’imparfaitement, à tous les moyens que les progrès de la science ont multipliés en les perfectionnant. Les passes intérieures furent semées de torpilles, les bouées et les balises qui en signalent les amers furent déplacées et arrachées, les phares éteints et toutes communications avec nos escadres rigoureusement prévenues. Ces résolutions, que justifiait l’infériorité numérique de la marine allemande, ces précautions, habiles autant que prudentes, réduisaient notre flotte à un blocus ingrat, sans gloire bruyante, mais plein de périls dans ces parages et à cette saison de l’année, et qui exigeait les qualités les plus rares et les plus précieuses d’habileté professionnelle, d’énergie, de persévérance. N’en ressortait-il pas du moins, et de la façon la plus évidente, que l’ennemi nous abandonnait sans conteste l’empire de la mer ?

Cependant sur terre les désastres succédaient aux désastres ; mais la France luttait toujours et trouvait comme par miracle de nou-