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M. Gericke, put tranquilliser l’opinion en affirmant les dispositions bienveillantes dont il avait reçu l’assurance de la part de toutes les puissances, et le ministre de la marine, M. Brocx, fut en mesure de diriger immédiatement sur les Indes des forces navales suffisantes pour faire respecter le blocus. La constitution néerlandaise ne permet pas d’envoyer aux Indes, à moins d’une loi spéciale, des régimens de l’armée nationale; l’armée indienne ne se compose que de volontaires, mais les enrôlemens étaient en pleine activité, la prime d’engagement était augmentée, et les volontaires ne manquaient pas. Le cabinet était donc à la hauteur de la situation, et en demandant les crédits nécessaires pour couvrir l’excédant de dépenses qui allait résulter de cette seconde campagne, il osait mettre ses adversaires en demeure de proposer un vote de défiance. En fait, ceux-ci parlèrent beaucoup, mais n’agirent pas. L’opinion, à mesure que les faits étaient mieux connus, revenait aux ministres qui préparaient avec tant d’ardeur une éclatante revanche ; peut-être même les adversaires du cabinet n’étaient-ils pas fâchés, toute réflexion faite, de lui laisser les soucis et la responsabilité de la seconde expédition.

L’un des premiers soins du ministère fut de choisir pour la commander en chef un militaire expérimenté, en état d’inspirer toute confiance aux troupes, et il désigna au choix du roi le lieutenant-général van Swieten. Ce choix fut très bien accueilli par l’opinion. Le général van Swieten était déjà connu par ses glorieux services dans les armées coloniales. Né en 1808 d’un père hollandais et d’une mère d’origine française, il réunit une grande distinction de manières et même une grande douceur de caractère à l’esprit de décision qui fait les hommes de guerre. De 1827 à 1862, il fut de toutes les campagnes aux Indes néerlandaises. A Sumatra, à Bali en 1849, à Boni dans l’île de Célèbes en 1859, il dirigea avec autant de succès que de vigueur des expéditions dont les perspectives n’étaient rien moins que rassurantes; même à Boni il dut déjà réparer un échec subi par les armes néerlandaises. Ce qu’il faut surtout relever à son honneur, c’est que, ménager du sang des ennemis comme de celui de ses soldats, il fit la guerre autant que possible avec humanité, réagissant contre les habitudes dévastatrices de ses prédécesseurs, cherchant, une fois la conquête opérée, à réconcilier les populations vaincues avec la civilisation européenne, et réussissant si bien dans cette double conquête que les populations, domptées par ses armes et gagnées par sa politique généreuse, n’ont plus songé depuis à se soulever contre la souveraineté néerlandaise. On voit que « les momens psychologiques » désirés par le général van Swieten diffèrent sensiblement de ceux que recherchent avec tant d’ardeur certains hommes de guerre qu’il