Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins promptement. Depuis leurs premiers engagemens avec les Anglais jusqu’à la guerre qui les arma les uns contre les autres, les volontaires américains, trouvant un précieux auxiliaire dans leur pays, couvert de forêts et coupé de marais, laissèrent rarement une panique dégénérer en déroute, et ils eurent le grand mérite de ne se croire presque jamais vaincus après une défaite.

Il fallut néanmoins tout l’esprit organisateur de Washington, tout son dévoûment, son tact et sa patience, pour pouvoir, presque sans ressources et au milieu de mille intrigues, maintenir l’union entre des élémens aussi difficiles à façonner, et les plier aux plus dures exigences du métier militaire.

Les milices provinciales qui avaient fait la guerre de sept ans avaient été formées sur le modèle de celles des comtés anglais. Au début de la lutte contre l’Angleterre, chaque colonie adjoignit à ces milices des régimens de volontaires enrôlés pour quelques mois, et se fit ainsi une petite armée particulière et indépendante. Réunies par le congrès sous l’autorité de Washington, elles conservèrent cependant quelque temps leur organisation distincte, et, une fois le premier moment d’enthousiasme et d’abnégation passé, on peut se figurer que d’entraves un pareil système opposa au zèle du général en chef. Celui-ci, qui ne cherchait jamais à obtenir la popularité en flattant ses compatriotes, savait leur faire accepter une sévère discipline. « Il faut, leur disait-il, que dans une armée règne le plus parfait despotisme. » Le témoignage de ce grand citoyen mériterait d’être médité par ceux qui, au nom de la liberté, prétendent introduire dans les armées cet esprit de critique et d’indépendance qui engendre toujours l’insubordination. D’ailleurs son despotisme était strictement limité à son rôle militaire, et tempéré par l’estime qu’il inspirait à tous ses inférieurs. Ce ne fut cependant qu’au prix d’opportunes sévérités et de concessions nécessaires qu’il put conserver dans son armée cette organisation qui lui permit d’accomplir sa tâche jusqu’au bout.

Les milices, recrutées dans les bas-fonds de la société, comme en Angleterre, lui causèrent de perpétuels soucis. Sur le champ de bataille, elles provoquèrent plus d’une fois de désastreuses paniques; dans les camps, elles fomentèrent souvent l’esprit de révolte. Les régimens de volontaires, formés dans un moment d’élan patriotique, étaient bien mieux composés; mais ils n’étaient engagés que pour quelques mois, et dans les premiers temps de la guerre les négociations entamées pour prolonger la durée de leur service paralysèrent constamment les opérations militaires.

L’armée nationale fut enfin formée en 1776. Elle servit de type à toutes les levées de volontaires faites plus tard, jusqu’à celles qui