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elle-même n’eût été que ridicule, si l’on avait pu dédaigner tout à fait leurs menées auprès des consuls de Singapour. L’expérience prouve qu’il est plus dangereux qu’on ne le penserait au premier abord de s’exposer dans ces régions lointaines à l’immixtion des agens étrangers, quand même on n’a aucun motif de se défier de leurs gouvernemens. Ces agens se font ordinairement une idée exagérée de leur importance, il leur arrive souvent de lancer la politique des pays qu’ils représentent dans des voies épineuses; les précédens qu’ils établissent parfois très étourdiment ne permettent pas toujours à leur gouvernement de les désavouer, l’honneur d’un pavillon peut se trouver compromis, des intérêts considérables peuvent être engagés, des convoitises peuvent s’allumer, bref la situation se compliquer de la manière la plus inattendue. En tout cas, la cour d’Atchin était surprise en flagrant délit de perfidie nouvelle. Ses menées déloyales, au moment où elle feignait de nouer de bons rapports avec les Néerlandais, prouvaient que ses intentions étaient toujours des plus hostiles, et n’était-ce pas une insulte intolérable que d’avoir, avec cette effronterie malaise qui déconcerte si souvent notre prudence européenne, tramé ces sottes intrigues contre la Néerlande sous la protection du drapeau néerlandais ? La mesure était plus que comble. Il fut décidé à La Haye comme à Batavia que des explications catégoriques seraient exigées du sultan d’Atchin, et que, s’il les refusait, la guerre lui serait immédiatement déclarée.


IV.

Les Français qui ont assisté, il y a quelques années, à l’inauguration de la statue d’Ary Scheffer à Dordrecht ont certainement conservé le souvenir de M. Loudon, alors commissaire du roi dans la province de Sud-Hollande, et qui vint avec tant de bonne grâce et de dignité simple présider cette charmante fête internationale. C’est lui qui fut envoyé en 1871 à Batavia comme gouverneur-général des Indes néerlandaises. A une grande aménité de manières, il joint le sérieux et l’énergie que ses compatriotes apprécient tant. Cette qualité lui était bien nécessaire dans les conjonctures hérissées de difficultés où il se trouvait engagé. Le gouverneur-général des Indes néerlandaises doit naturellement se soumettre aux instructions qui lui sont envoyées de la mère-patrie; mais, quant aux mesures jugées urgentes, une grande initiative lui est laissée. De La Haye, on lui prescrivait de prendre sans retard ses dispositions pour faire cesser un état de choses dangereux et humiliant, sans toutefois lui imposer la marche à suivre. Il paraît même que le