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était son jeune petit-neveu de seize ans, Mahmoud-Aladdin Iskander, complètement livré aux directions des panglimas et soumis principalement à l’influence d’un Arabe, Habib Abdul Rahman, chef du parti musulman rigide et grand instigateur, de concert avec Panglima Polim, l’un des chefs des XXII Moukim, d’une politique absolument hostile à la Néerlande. Afin de prouver ses intentions pacifiques, l’autorité coloniale déclina la demande d’Édi, petit état vassal d’Atchin sur la côte orientale, qui voulait passer sous la suzeraineté néerlandaise. Tous les efforts, toutes les négociations furent en pure perte; en vain le ton des négociateurs néerlandais devint plus comminatoire, l’effet n’en fut pas plus heureux.

Tout à coup, en septembre 1872, le résident hollandais de Riô (île de Bintang, au sud de Malacca), qui devait se rendre à Atchin pour tenter un nouvel effort, voit venir à lui le schahbandar d’Atchin, qui lui dit en confidence que le jeune sultan est en butte aux obsessions de deux partis, le parti dit arabe et foncièrement hostile aux Néerlandais, et le parti dit national, qui serait de bien meilleure composition, et que les inclinations personnelles du souverain le pousseraient à s’entendre avec la Néerlande. En décembre de la même année, il revient accompagné de quatre dignitaires atchinois porteurs d’une lettre du sultan, dans laquelle il priait le résident d’ajourner la visite qu’il lui avait annoncée jusqu’à ce qu’il eût reçu réponse à une lettre qu’il avait adressée au sultan de Turquie. Il savait bien que la Turquie n’avait rien à voir dans les affaires d’Atchin; mais, disaient ses fondés de pouvoir, il avait dû mettre en avant ce prétexte, afin d’avoir le temps de ruiner définitivement l’influence du parti arabe. L’autorité coloniale crut devoir entrer dans ce plan qu’elle croyait sérieux et ajourner le départ des commissaires qu’elle se proposait d’envoyer à Atchin pour en finir avec ces tergiversations continuelles. Plus encore, elle se montra disposée à rendre au sultan un navire atchinois saisi en plein exercice du métier de pirate par un croiseur hollandais, et elle permit, sur leur demande, aux émissaires atchinois de revenir chez eux sur le vapeur de l’état le Marnix, qui, pour leur complaire, devait relâcher dans plusieurs ports de la côte et à Singapour. Nouvelle déception ! les rusés Atchinois avaient trouvé charmant de profiter de cette gracieuseté pour faire leurs petites affaires dans les ports du littoral, et à Singapour pour nouer des négociations avec les consuls des puissances étrangères. Ils auraient voulu pousser les gouvernemens que ces consuls représentaient à protéger le royaume d’Atchin, menacé, disaient-ils, par la Hollande; on apprenait même qu’ils avaient demandé formellement à Paris l’intervention du gouvernement français.

Ils prenaient bien leur temps chez nous, et cette demande en