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En 1831, le navire américain Friendship fut pillé par la population atchinoise de Qualla Batou, et le gouvernement de l’Union dut envoyer la frégate le Potomac pour châtier les pillards. Les îles situées en face de la côte occidentale durent être pour la plupart abandonnées par leurs habitans, que des bandes d’écumeurs atchinois venaient à chaque instant rançonner et même enlever. C’est dans l’une de ces îles, à Nias, que les forbans avaient établi leur quartier-général; c’est de là qu’ils couraient sus aux bâtimens arabes ou malais, quelquefois même aux bâtimens européens, c’est là qu’ils avaient fondé un entrepôt d’esclaves ravis par eux aux côtes et aux îles voisines. Les femmes et les jeunes garçons formaient l’élément le plus lucratif de ce trafic infâme. Les chefs indigènes de Sumatra réclamaient fréquemment les secours du gouvernement colonial contre les attaques atchinoises, et celui-ci, embarqué dans une guerre longue et sanglante contre les Padris, entravé d’ailleurs dans sa liberté d’action par ses engagemens avec l’Angleterre, ne pouvait pas toujours les protéger comme il l’aurait voulu. En 1836, on découvre que le schooner le Dauphin, frété par le gouvernement et ayant à bord 30,000 florins en espèces, a été conduit à Atchin, et que l’équipage malais a disparu. On réclame, le sultan répond qu’on doit lui rendre, à lui, trois navires atchinois qui avaient été saisis en mer par les croiseurs hollandais avec leur chargement d’esclaves. On persiste dans la réclamation, tout en autorisant les commissaires envoyés pour exiger la remise du navire à ne pas insister sur celle de l’argent et de l’équipage. Le sultan répond que le schooner a été dirigé sur Pédir et qu’il a brûlé en rade avec tout ce qu’il contenait, que du reste il est prêt à remettre au gouverneur-général l’enfant du capitaine assassiné, si toutefois on consent à l’indemniser de la confiscation des trois négriers. Le gouvernement colonial préféra ne pas pousser l’affaire plus loin, ce qui pouvait passer pour une marque insigne de faiblesse. Il est vrai qu’en 1840 la prise de Singkel, sur la côte ouest, par les Néerlandais refroidit pour quelque temps l’humeur belliqueuse des Atchinois; mais bientôt le vieux tempérament reprit le dessus. En 1844, ce sont quatre navires anglais pillés sans vergogne, quoique anglais. En 1851, c’est le trois-mâts napolitain Clementina qui subit le même traitement. En vain le navire de guerre français le Cassini s’efforça d’obtenir quelque satisfaction, tout fut inutile. Le gouvernement napolitain s’adressa au gouvernement hollandais, celui-ci crut devoir décliner son intervention, et en 1852 un autre navire anglais, le Country Castle, fut encore pillé sur la côte d’Atchin.

C’est probablement parce que l’on comprenait à Atchin que la bienveillance anglaise ne tiendrait pas toujours devant de telles démonstrations d’amitié que l’on songea à se pourvoir d’une autre