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toutes ses colonies l’une après l’autre. Java même, en 1811, dut passer à l’Angleterre, et ce fut seulement après la chute de l’empire, qu’elle consentit à rendre aux Pays-Bas reconstitués leurs anciennes possessions des mers de la Malaisie. En 1819, une convention passée entre l’Angleterre et le royaume d’Atchin avait en quelque sorte réservé au commerce britannique le profit exclusif des relations maritimes avec la région nord de Sumatra. Ce monopole prit fin à partir du traité de 1824, conclu entre la Hollande et l’Angleterre. Ici se dessine une situation nouvelle, qui ne s’expliquerait pas sans la connaissance des faits que nous avons retracés, mais qui va se trouver dominée par des élémens propres à notre siècle, et dont la guerre toute récente d’Atchin sera l’infaillible conséquence.


III.

Deux principes très opposés à tout ce qui s’est fait dans les siècles précédens inspirent de plus en plus la politique des nations européennes en matière de colonies. C’est d’abord la conviction qu’il est absurde de se faire la guerre pour se les arracher; c’est ensuite le sentiment toujours plus clair de la solidarité des intérêts européens dans les pays colonisés, solidarité qui fait tomber successivement les prohibitions, les monopoles, les mesures restrictives, tout ce qui passait autrefois pour le comble de l’habileté chez les puissances colonisatrices. La tendance des états maritimes a été bien plutôt, depuis 1815, d’éviter les compétitions internationales dans les mers lointaines, fût-ce au prix de cessions réciproques de territoire, et par conséquent d’appliquer aux étrangers le même traitement qu’aux nationaux; mais cette révolution pacifique ne s’opéra que peu à peu. Les intérêts privés ne se soumirent pas toujours de bonne grâce aux principes libéraux qu’une sage politique dictait aux gouvernemens; ceux-ci même n’avancèrent que lentement dans cette voie pacifique, et tâchèrent encore assez longtemps de ressaisir jusqu’à un certain point, par des moyens détournés, les avantages que l’ancien système semblait leur assurer. L’on ne se faisait plus la guerre pour s’enlever des colonies, mais on voyait avec déplaisir l’extension de la domination coloniale d’une puissance voisine, et on savait bien le lui faire sentir. Il n’y avait plus de prohibition déclarée, mais on imposait des droits différentiels ou des surtaxes qui y ressemblaient beaucoup. C’est ainsi que, depuis la rétrocession de Java et des îles voisines à la Néerlande, il y eut de la part de l’Angleterre un certain mauvais vouloir à la vue des agrandissemens de l’empire néerlandais dans les régions limitrophes. Singapour, établissement tout anglais et grandissant chaque jour, devenait une sorte de capitale de Malacca, et menaçait,