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ou de leur domination directe les petits états des côtes, vassaux jadis et tributaires d’Atchin, tout les désignait spécialement à la rancune atchinoise. L’empire atchinois, rongé par l’anarchie, voyait ses limites se resserrer toujours plus, et c’étaient les Hollandais qui profitaient régulièrement de ses pertes. Les Anglais essayèrent de se faufiler à Atchin à la faveur de cet antagonisme, et en 1677 ils demandèrent à la sultane régnante le droit d’ériger un fort sur son territoire. La sultane fit très bon accueil aux envoyés anglais, les invita à sa cour, et comme si, à défaut du monopole commercial qu’ils auraient voulu obtenir, les braves insulaires eussent été prédestinés à celui des scènes comiques devant les majestés atchinoises, la princesse leur demanda en grâce d’ôter quelques instans leurs perruques, tant elle était curieuse de voir la mine qu’ils faisaient quand ils étaient privés de cet appendice, alors imposé par la civilisation. Les envoyés anglais se soumirent et ôtèrent leurs perruques avec la même gravité que les représentans du roi Jacques avaient chanté leur psaume au siècle précédent, la sultane et ses femmes rirent à se tenir les côtes, mais la permission de bâtir un fort fut refusée.

Ce qui prêtait beaucoup moins à la gaîté, c’était la décadence toujours plus sensible de l’empire. Les pays vassaux se détachaient l’un après l’autre, et c’est probablement la conscience de cet affaiblissement continu qui fit regretter l’ère des vieux sultans. Despotes, tyrans, tant qu’on voudra, ils se faisaient craindre des panglimas et des rajahs tributaires, ils agrandissaient leurs états par la conquête. Le parti musulman rigide ou arabe reprit le dessus. Un cadi de La Mecque envoya tout exprès aux Atchinois un traité-manifeste, dans lequel il démontrait que le Coran ne permet pas aux femmes d’exercer l’autorité souveraine. La réaction musulmane mit donc un terme à la succession féminine, et depuis 1693 Atchin eut de nouveau des sultans ; mais il ne suffit pas de restaurer des rois pour qu’un pays affaibli reprenne vie et prospérité. Les sultans furent incapables ou en lutte réglée avec les panglimas; la guerre civile, passée à l’état chronique, fit même que le commerce européen abandonna de plus en plus des côtes si peu sûres. Les Hollandais surtout cessèrent d’y envoyer des navires, ce qui ne les empêcha pas de rester les plus mal vus des Européens. En 1784, une flotte atchinoise voulut même les surprendre à Padang, abandonnée par l’Angleterre; mais, avec l’assistance des immigrans chinois, les Hollandais repoussèrent victorieusement les attaquans. En 1796, les Anglais devinrent maîtres de Malacca, et les événemens qui se déroulèrent en Europe, en entraînant de plus en plus la Néerlande dans la solidarité de la politique française, influèrent de la façon la plus désastreuse sur sa prospérité maritime. Elle perdit