Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mignons, jeunes esclaves qu’ils parent et parfument comme des femmes. En un mot, ils forment au point de vue moral un triste échantillon de notre espèce, sans toutefois qu’on puisse leur dénier le courage militaire, un certain patriotisme et un mépris du danger qui va souvent jusqu’à l’héroïsme.

Le chiffre de cette population turbulente a donné lieu aux évaluations les plus divergentes, car elles varient de 50,000 à 1 million. M. Veth, par une supputation raisonnée, estime qu’il ne serait dépasser 365,000 âmes. Néanmoins, comme tous les hommes sont armés et au besoin soldats, comme leur pays, à peu près sans chemins, semé de rizières, de bois épais, de cours d’eau et de marécages, plus protégé encore par les montagnes inexplorées contre lesquelles il s’adosse que par la mer qui le circonscrit sur trois côtés, oppose une masse d’obstacles à l’ennemi qui voudrait y pénétrer, il en résulte que jusqu’à ces derniers temps ils ont compté sur leur nombre et la nature de leur sol pour défier toute guerre d’invasion. Leur régime alimentaire pourrait être abondant et varié : le poisson pullule le long des côtes; ils élèvent de la volaille, des troupeaux de boucs et de buffles, mais ils ne mangent de la viande que rarement et se contentent à l’ordinaire de riz, de poisson et de légumes. Leurs chevaux passent pour les meilleurs de l’archipel. Ils ont peu d’industrie; cependant ils savent travailler le coton et la soie, et ils ont des ouvriers orfèvres assez habiles. Le costume des hommes se compose d’une sorte de turban dont les extrémités pendent sur les épaules, d’une casaque à manches courtes ouverte par devant et tombant jusqu’aux hanches, d’un jupon fixé à la ceinture par un large ruban et d’amples pantalons tombant à mi-jambe; beaucoup néanmoins parmi eux ont le buste découvert. Le costume des femmes diffère peu de celui des hommes, si ce n’est que, nu-tête à l’intérieur des maisons, pour sortir elles se couvrent le chef d’une pièce de coton. Les habitations, dont le toit consiste en feuilles d’un certain palmier retenues par des lattes de bambou, sont en bois et toujours construites sur pilotis, avec une large galerie par devant, deux ou trois chambres à l’intérieur et une cuisine par derrière. L’ameublement est mesquin et sale. Beaucoup de kampongs ou villages sont entourés d’un rempart de terre planté de bambous épineux qui les cachent à la vue des passans; mais ceux de la côte ont ordinairement un bâtiment visible, un bazar composé de petites maisons réunies sous un même toit et servant de marché pour l’intérieur et l’exportation.

Tous les renseignemens du reste s’accordent à représenter le royaume d’Atchin comme bien déchu de son ancienne splendeur. Il y eut un temps où la domination de ses sultans s’étendait sur la plus grande partie de l’île de Sumatra et sur des provinces entières