Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit indirectement par l’intermédiaire des princes ou rajahs indigènes qui ont reconnu sa souveraineté. Le gouverneur-général, dont la résidence est à Buitenzorg (Sans-Souci), près de Batavia, ville de 150,000 âmes et la plus-importante de Java, jouit dans ces parages d’un rang plus que princier ; il a sous ses ordres une flotte, une armée, une vaste administration politique et financière, et, malgré les critiques dont, le système appliqué par la Néerlande à ses colonies a été souvent l’objet, on ne peut contester qu’en somme les Indes néerlandaises prospèrent et constituent l’une des conquêtes les plus sérieuses de la civilisation européenne dans l’extrême Orient.

Considérons maintenant d’une manière toute spéciale l’île de Sumatra, théâtre proprement dit des événemens que nous avons à raconter. À cheval sur l’équateur, qui la coupe presque par la moitié, cette île s’allonge parallèlement à la presqu’île de Malacca dans la direction du nord-ouest au sud-est, et mesure en longueur 1,672 kilomètres, c’est-à-dire 600 kilomètres de plus que la ligne qui joindrait l’extrémité de notre Finistère à l’embouchure du Var ; dans sa plus grande largeur, elle ne dépasse pas 400 kilomètres. On évalue la population à 3 millions d’âmes ; mais l’intérieur, du moins dans la partie septentrionale, est encore très mal connu. Une chaîne de montagnes fort élevée parcourt l’île d’un bout à l’autre. On y remarque des sommets dont l’altitude dépasse 4,000 mètres et six grands volcans. Cette région montagneuse est tantôt aride, tantôt recouverte de forêts impénétrables de mangliers, ébéniers, arbres de fer, tecks, cocotiers, hantées par des singes de grande espèce, par des tigres, des oiseaux au magnifique plumage et de nombreux reptiles. La richesse minérale du sol, encore imparfaitement exploitée, si l’on excepte l’étain des îles voisines Banca et Billiton, est très grande. C’est à Sumatra que s’épanouit la plus grande fleur connue, la Raffïesia Arnoldii, qui atteint 1 mètre de diamètre, 3 de circonférence, et dont le calice peut contenir plus de huit litres d’eau. La température y est très modérée pour un pays équatorial ; on doit même faire quelquefois du feu dans les districts montagneux. Cependant on n’y connaît ni la gelée ni la neige. Deux moussons soufflent alternativement chaque année sur les côtes, celle du sud-est, qui est sèche et dure de mai à septembre » et celle du nord-ouest, qui amène les orages et les pluies. La configuration montagneuse et allongée de l’île fait que les cours d’eau sont nombreux, mais atteignent rarement les proportions d’un fleuve. Le plus grand nombre gagne promptement la mer à travers les plaines alluviales qu’ils ont formées au pied des montagnes. C’est surtout sur la côte orientale que ces plaines sont d’une étendue considérable ; le long de la côte occidentale, les montagnes se rapprochent beaucoup plus de la mer, et de nombreux marécages, dégageant des miasmes malsains,