Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 3.djvu/962

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avant peu une de ses sources de richesse : d’après les calculs des hommes compétens, les soufrières de l’île seront vides dans cinquante ou soixante ans. En effet, la superficie totale des gisemens ne dépasse pas 2,000 hectares, et, en admettant que l’épaisseur moyenne des couches est comprise entre 3m,50 et 4 mètres, ces gisemens représentent 75 millions de mètres cubes de minerai ou 300 millions de quintaux de soufre, dont le tiers au moins a été déjà enlevé ; il ne reste qu’environ 200 millions de quintaux à extraire du sol. La quantité de soufre que l’on retire annuellement des mines est de 2 millions 1/2 de quintaux, et, grâce au progrès de l’industrie, elle pourrait atteindre 3 ou 4 millions ; il s’ensuit que dans 50 ou 60 ans au plus tard l’exploitation des mines de soufre touchera à son terme naturel. Le gouvernement italien a pensé que le moment était venu de provoquer une enquête sur l’état présent et l’avenir de l’industrie du soufre, et il en a chargé M. Lorenzo Parodi, ancien directeur des mines de Grottacalda. Nous emprunterons au rapport de M. Parodi quelques données d’un intérêt général.

Le soufre à l’état naturel se rencontre en Sicile sous deux formes différentes : d’abord comme dépôt résultant d’émanations volcaniques, dans ce qu’on appelle les solfatares, ensuite dans des gisemens profonds où il est associé aux roches sédimentaires et qu’on nomme des solfares (soufrières). Le soufre fourni par les solfatares n’entre que pour une faible part dans la production totale, qui est principalement alimentée par les solfares. Le nombre de ces dernières est aujourd’hui en Sicile d’environ 250, et elles livrent au commerce chaque année 1,800,000 quintaux de soufre brut, sans compter l’énorme quantité qui est perdue par le traitement du minerai. L’exportation atteignait en 1871 le chiffre de 1,725,000 quintaux. Sur cette quantité, l’Angleterre consomme en moyenne de 500,000 à 600,000 quintaux, la France environ 400,000 ; à elles deux, la France et l’Angleterre absorbent donc les deux tiers du soufre que produit la Sicile.

Le minerai que l’on exploite est un calcaire marneux injecté de soufre, dont la présence se trahit d’ordinaire par des affleuremens blanchâtres, composés d’une substance granuleuse ou pulvérulente que les mineurs du pays appellent briscale, et qui n’est autre chose que du sulfate de chaux hydraté. La profondeur des mines varie de 40 à 100 mètres ; on y descend par des galeries inclinées que l’on creuse en suivant toujours les filons, et qui sont soutenues par des piliers abandonnés. Les picconieri abattent les blocs de soufre au moyen du pic, et l’enlevage a lieu à dos d’enfans. Tous frais compris, on peut fixer le prix de revient d’une tonne de minerai à 5 francs en moyenne. Pour les mines très profondes, comme Grottacalda, Bosco, où l’extraction du minerai est un travail très pénible, le prix de revient est bien plus considérable, mais un système d’extraction plus rationnel l’abaisserait de moitié.

Le traitement auquel on soumet le minerai de soufre est des plus