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pas, qui fait des façons : il est rivé au radicalisme, qui le domine et dont il ne peut se détacher. Qu’il commence par rompre avec la gauche, puis nous verrons, nous ne pouvons pas être dans la compagnie des radicaux ! — Vous ne pouvez le nier, dit-on d’un autre côté au camp du centre gauche, nous sommes prêts à tout, nous acceptons toutes les conditions de la république la plus conservatrice. C’est le centre droit qui se refuse à tout, qui ne peut se décider à se séparer de ses amis de la droite monarchique et légitimiste. Que le centre droit commence par rompre avec la droite et par venir à nous, tout s’arrangera ! — Voilà toute la question. Le centre droit ira-t-il au centre gauche ? le centre gauche ira-t-il au centre droit ? On peut tourner longtemps ainsi et prolonger ce dialogue plus piquant peut-être que décisif. le moment est venu pour les chefs de parti de sortir de ce cercle et de s’aborder sérieusement, franchement, sans aucune arrière-pensée.

Au fond, quels sont donc les points de dissidence entre le centre droit et le centre gauche, et même, on pourrait le dire, entre beaucoup d’hommes modérés de la droite et de la gauche ? Pour les uns et pour les autres, il y a un certain nombre de faits également évidens. La monarchie traditionnelle ne peut être rétablie, on ne veut ni rétablir l’empire ni le laisser revenir par effraction ; la république existe, M. le maréchal de Mac-Mahon a été nommé président pour une durée définie par une loi unanimement acceptée aujourd’hui, et enfin, dernier fait qui n’est pas moins clair que tous les autres, on ne peut pas laisser la France dans un provisoire sans terme et sans garanties. Est-ce vrai ? est-ce que les esprits modérés et un peu prévoyans de la droite ou de la gauche ont un doute sur ces points essentiels ? Dès lors quelle difficulté peut-il y avoir à s’entendre pour imprimer à l’état actuel le sceau d’une fixité nécessaire par des lois constitutionnelles auxquelles l’alliance de toutes les opinions modérées donnerait naturellement un caractère conservateur ? Maintenant faut-il se borner, comme le veut le centre droit, à stipuler pour une république limitée à la durée des pouvoirs de M. le maréchal de Mac-Mahon ? faut-il au contraire, comme le propose le centre gauche, organiser simplement la république en réservant le droit de révision qui pourra s’exercer à l’expiration des pouvoirs du maréchal ? Franchement on nous permettra de trouver qu’on met bien de l’esprit et bien de la fantaisie dans des choses fort sérieuses. La république durera ou disparaîtra dans sept ans, selon qu’elle aura donné à la France un bon ou un mauvais gouvernement, la paix et l’ordre ou le trouble : voilà tout. L’essentiel pour le moment est que le centre droit et le centre gauche se mettent à l’œuvre, et donnent un corps à une alliance qui peut être la meilleure garantie d’une organisation constitutionnelle protectrice et efficace. On n’aura pas une majorité suffisante, répètent tous ceux qui ne veulent s’engager qu’à coup sûr. Il est certes fort probable qu’on n’aura pas l’appui des légitimistes